Les enfants du bon Dieu
- Par hervegautier
- Le 11/12/2017
- Dans Antoine Blondin
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La Feuille Volante n° 1193
Les enfants du bon dieu – Antoine Blondin – La table ronde.
Cela faisait longtemps que j'avais envie de lire un livre d'Antoine Blondin (1922-1991) que je ne connaissais qu'à travers de l'adaptation cinématographique d'Henri Verneuil de son roman « Un singe en hiver ». Il était connu pour son talent d'homme de Lettres, de journaliste engagé (mais il suivait aussi le Tour de France pour le journal L’Équipe), mais surtout pour son appétence à l'alcool, un bon vivant, quoi ! L'intrigue ici est assez simple : Nous sommes dans les années 50 à Paris et Sébastien Perrin, la trentaine, est professeur d'histoire, métier qui apparemment ne le passionne guère puisqu'il éprouve le besoin de la refaire à sa manière, ainsi refuse-t-il de signer le traité de Wesphalie et donc de mettre fin à la guerre de Trente ans, fait échapper Louis XVI à la guillotine et revenir sous le nom de Louis XVIII, livre une version très personnelle de la prise de la Bastille, rallonge la Guerre de Cent ans, refuse que la Corse soit rattachée à La France en 1768, ainsi Bonaparte est un général italien qui ne sera jamais Napoléon, ce qui ne manquera pas de changer la face du monde etc... Tout cela n'est pas très catholique et si l'on peut dire qu'il est possible de violer la langue française à la seule condition de lui faire de beaux enfants, dans le cas de M. Perrin et de sa notion de l'Histoire, on peut légitimement se poser des questions sur les connaissances de ses élèves, il est même permis d’émettre des doutes et des craintes aussi surtout quand l'inspecteur d'académie entreprend sa tournée tant redoutée ! Mais un miracle est toujours possible. Pourquoi cela, pourrait-on se demander ? Simplement parce qu'il a été réquisitionné au titre du STO pendant la guerre et que, puisque l'histoire l'a détraqué, il ne voit pas pourquoi il ne la détraquerait pas à son tour. Pourquoi pas, en effet ! Autrement, il vit dans un immeuble bourgeois des beaux quartiers, dont il nous raconte la vie avec force détails humoristiques et caricaturaux, est marié avec Sophie, sa gentille épouse dont les parents, anciens aristocrates, liquident consciencieusement leur patrimoine dans les voyages. Bref, il s'ennuie puisqu'il n'a même pas d'enfant.
Il en a après la guerre et le STO, pourtant il n'était pas si mal tombé, puisque, affecté comme garçon d'écurie dans le domaine d'un prince, il en a séduit la nièce, Albertina. Comme tout a une fin, rentré en France, il a annoncé à la jeune femme son propre décès, allez savoir pourquoi ! Mais quand, plus tard, il rencontre cette dernière à Paris, l'idylle reprend de plus belle, sans doute pour tromper son ennui. Il a cependant soin de sauver les apparences et la compagnie de ce prince qui fait irruption dans la vie du couple Perrin amènent les époux à faire semblant de tenir un rang qu'ils n'ont pas, ce qui n'est pas sans occasionner quelques situations surréalistes et surtout quelques dépenses somptuaires qui, bien entendu, grèvent leur petit budget pour longtemps. Quant à la liaison entre Sébastien et Albertina, son évocation est à la mesure de cette histoire torride, passionnée, délirante.
J'ai trouvé le style agréable à lire et je ne me suis pas ennuyé. J'aime la belle écriture qui honore notre belle langue française et, heureusement, elle ne manque pas de serviteurs dont Antoine Blondin fait partie. Il allie la verve à une imagination débordante et cela donne un phrasé truculent, un sens de la formule où l'humour le dispute à la dérision et a produit pour moi un effet enchanteur. Ce poids magique des mots a même fait florès au point de donner son titre à un film de Michel Audiard qui en est de Blondin le digne héritier (« Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages »-1968). Notre auteur appartenait au « Groupe des Hussards », un mouvements littéraire et politique crée dans les années 50 qui s'opposait notamment à l’existentialisme de Sartre. Il a fait des émules jusqu'au aujourd'hui et cet « amour du style, un style bref, cinglant et ductile », selon le mot de François Dufay, je l'ai retrouvé ici avec grand plaisir.
© Hervé GAUTIER – Décembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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