CELINE – Henri Godard
- Par hervegautier
- Le 14/02/2013
- Dans Louis-Ferdinand CELINE –
- 0 commentaire
N°598– Novembre 2012.
CELINE – Henri Godard- Gallimard.
Louis-Ferdinand Céline [1894-1961] est parmi les hommes de lettres quelqu'un qui, cinquante ans après sa mort, fait encore parler de lui. De son vivant déjà, il avait, par ses écrits et par ses prises de positions politiques, déchaîné les passions.
Grâce à cette biographie fort richement documentée, le lecteur suit le parcours quelque peu hors du commun de Ferdinand Destouches depuis sa naissance à Courbevoie jusqu'au passage Choiseul où sa mère tient une boutique de mode. Il quitte l'école après le certificat d'études, devient apprenti puis s'engage dans l'armée à la veille de la guerre. Promu maréchal des Logis et grièvement blessé,il est décoré par Joffre. Cette blessure fait de lui la figure emblématique du héros combattant. Il est réformé, part travailler en Angleterre au consulat de France puis en Afrique. Rentré en France en 1917, il participe en Bretagne à une campagne de prévention contre la tuberculose qui réveille en lui la vocation de médecin. Il passe son baccalauréat puis fait ses études de médecine[sa thèse consacrée à « la vie est l’œuvre de Philippe-Ignace Sommelweis » est considérée comme sa première œuvre littéraire] qui le conduisent à la SDN comme médecin hygiéniste. Il exerce ensuite comme médecin de dispensaire à Bezons dans la région parisienne mais continue d'être romancier et voyage beaucoup. A partir des années 1930, Céline devient violemment antisémite et publie des pamphlets en ce sens, ce qui le conduira à épouser la cause allemande pendant la guerre. A la Libération il prendra le chemin de l'exil, suivant le gouvernement de Vichy, à Sigmaringen d'abord puis au Danemark où il est emprisonné. Il est ensuite condamné puis amnistié par les tribunaux français [ce qui était reproché à Céline était moins des actes que des opinions, certes tranchées et parfois violemment exprimées, mais toutes à l'image du personnage] et s’installe à Meudon comme médecin mais surtout comme un véritable ermite, tout en continuant à écrire et à publier ce qui restera toute sa vie sa raison d'être. Il y mourra en 1961.
Son œuvre est indissociable de sa vie, de son parcours et de ses opinions politiques. Du point de vue strictement littéraire, il a indubitablement incarné une révolution, renouvelant le style romanesque traditionnel, y instillant des sonorités et des rythmes empruntés au langage parlé et à l'argot. Il doit sans doute cet aspect de son écriture à sa grand-mère maternelle à qui il rendra hommage en faisant de son prénom son nom de plume. Ses phrases semées de ponctuations exclamatives et suspensives cherchent à provoquer l'émotion et la réaction... et y parviennent. Son œuvre est un cri pessimiste poussé face à la nature humaine qu'il exècre et même si parfois il y mêle de l'humour et de la tendresse, il reste marqué par un désespoir définitif et une volonté de choquer. Il reste un pamphlétaire, un polémiste, un marginal, un homme révolté, ambigu, contradictoire parfois, paranoïaque même, un homme écorché-vif, outrancier voire injurieux et parfois ordurier dans ses propos, un auteur qui se définit lui-même comme « paradoxale, burlesque, effervescent ». Il ne laissera jamais indifférent !
Dans « Voyage au bout de la nuit », roman pour lequel il est probablement le plus connu, il narre, à travers le personnage de Ferdinand Bardamu, son expérience de la Première Guerre mondiale et développe des thèmes qu’il reprendra plus tard dans son œuvre. Ce livre manquera de peu le prix Goncourt mais obtiendra le Renaudot en 1932. D'autres romans soulèveront réactions et passions tout au long de sa vie et feront de lui à la fois un tabou et un écrivain d'exception.
Si Céline est à l'évidence un grand auteur et un poète, il reste marqué du point de vue politique par un antisémitisme incontestable hérité à la fois de son père et de son époque et il se servira de sa notoriété pour affirmer cette opposition avec détermination et violence. Il ira même jusqu'à tenir des propos ignobles et des condamnations tonitruantes. Cette phobie du juif tourne carrément à la folie puisqu'il étend cette judéité à tous ceux qu'il n'aime pas … Et ils sont nombreux ! Avec Robert Brasillach et Pierre Drieu La Rochelle qui eux ont connu un sort différent, il a été parmi les écrivains maudits de la Libération. Condamné, il a cependant été amnistié et a ainsi pu rentrer en France. Il reste quand même un personnage controversé et par bien des côtés contradictoire. Son parcours a été un long chemin et un long combat. Ce que j'ai trouvé personnellement le plus émouvant, ce sont les derniers chapitres consacrés à sa fin de vie, à la fois pitoyable et définitivement solitaire même si, à cette période, il a semblé sortir d'un long purgatoire.
L'auteur de cette biographie passionnante du début à la fin nous le présente sous ses différentes facettes, comme un adepte de la pornographie, ce qui n'est pas essentiel, comme l’auteur de ballets qui met la danse au centre de sa vie, un amoureux des animaux, de son chat Bébert, compagnon d'infortune au Danemark puis de ses chiens à Meudon, et, ce qui est sans doute pour le plus inattendu, comme un séducteur qui ne pouvait se passer des femmes !
L'auteur Henri Godard, professeur de littérature à la Sorbonne et spécialiste de l’œuvre célinienne est également, dans la bibliothèque de la Pléiade, l'éditeur de Céline. Ce livre est l'occasion de faire connaissance de cet écrivain majeur du XX° siècle et de lire ou de relire ses nombreux romans.
©Hervé GAUTIER – Novembre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
Ajouter un commentaire