LES TROIS LUMIERES
- Par hervegautier
- Le 10/02/2014
- Dans Claire KEEGAN
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N°724 – Février 2014.
LES TROIS LUMIERES – Claire KEEGAN – Sabine Wespieser Éditeur
Traduit de l'anglais par Jacqueline Odin.
Parce que sa mère est enceinte une nouvelle fois, qu'elle représente une charge pendant cette période et que sa fratrie est bien trop grande pour cette famille irlandaise rurale trop pauvre, la narratrice encore enfant est confiée par un père pas très futé et aussi pas mal alcoolique, à la garde d'une famille voisine, les Kinsella. On ne sait combien de temps durera ce séjour, six mois, peut-être davantage, mais c'est décidé. « Elle mange mais vous pouvez la faire travailler » dit le père comme il est d'usage à la campagne mais l'enfant est bien accueillie et il n'est pas question de l'exploiter « Hors de question, cette petite aidera Edna dans la maison, rien de plus ».
En ce jour d'un été brûlant, elle débarque donc avec son père dans cette ferme et celui-ci, sans doute distrait, oublie sa valise dans le coffre de sa voiture. Il faut donc que la petite fille, baptisée Pétale, se change. En attendant d'aller à la ville voisine pour lui acheter des vêtements, on l'affuble de ce que l'on a c'est à dire d'effets masculins un peu trop grands pour elle. Elle s'adapte donc à sa nouvelle vie en aidant comme elle le peut Edna, la mère et John, le père qui la considèrent d'emblée comme leur propre fille. Au début, elle est un peu dépaysée, le décor est nouveau pour elle, les gens aussi sans doute et la fillette pose des questions. Edna la met en confiance avec cependant une réponse qui lui paraît peut-être un peu sibylline « Là où il y a un secret, il y a de la honte et nous n’avons pas besoin de honte ». Cette nouvelle famille fait ce qu’elle peut pour la rendre heureuse mais elle est toujours un peu sur la défensive et dans son for intérieur il y a toujours une partie d'elle qui pense différemment, qui est en retrait. Le temps s'écoule pourtant dans ce nouveau décor où elle se rend utile, où elle est peut-être heureuse.
Dans cette ferme, on est loin des événements extérieurs, des gens qui font la grève de la faim volontairement et en meurent pour s'opposer au gouvernement. Pétale ressent un bien-être intérieur et se demande inconsciemment quand tout cela se terminera. La vie s'étire lentement au rythme de la campagne, des travaux domestiques, la confection des confitures, les parties de cartes, la messe du dimanche et même une veillée funèbre. On lui achète des vêtements de fille, on lui offre des friandises (« N'est-elle pas là pour qu'on la gâte ? » confie John, heureux d'avoir un enfant sous son toit) mais c'est une voisine un peu trop pipelette qui lui raconte l'histoire de cette famille sans enfant, lui parle de son deuil.
Le séjour prend fin parce que la naissance attendue dans sa famille est arrivée et qu'il lui faut retourner en classe. La parenthèse estivale se ferme donc et Pétale se prépare à retourner chez ses parents. Au dernier moment elle tente de rester avec les Kinsella, d'être cette « troisième lumière » qui leur manque tant, d'être aimée vraiment...
Un temps j'ai eu l'impression d'être dans une nouvelle de Maupassant quand des paysans pauvres vendaient leurs enfants à des gens riches sans descendance et ainsi assuraient leur avenir. Ce court récit est à la fois émouvant et poétique et m'encourage à poursuivre la découverte de l’œuvre de Claire Keegan.
©Hervé GAUTIER – Février 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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