UN AMOUR A L'AUBE
- Par hervegautier
- Le 26/10/2014
- Dans Élisabeth Barillé
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N°820 – Octobre 2014.
UN AMOUR A L'AUBE – Élisabeth Barillé - Grasset
Lorsque deux personnages se sont croisés, même si on ne sait pas grand chose de cette rencontre, la tentation est grande pour le romancier d'imaginer ce qu'elle fut. Amédeo Modigliani (1884-1920), peintre et sculpteur a effectivement connu à Paris, en 1910, la poétesse russe Anna Akmatova (1889-1966). Il ne coûte rien de supposer qu'ils ont fait connaissance dans un café à la mode fréquenté par les artistes, du côté du boulevard Montparnasse. A ce moment, elle n'a encore rien publié mais il est fasciné par sa beauté. Lui est libre et elle n'est mariée que depuis trois semaines, lui est pauvre et elle est riche. Tout les oppose donc mais ces deux figures de l'art sont à l'aube de leur destin.
C'est bien la réalité qui inspire la fiction puisque, en 2010 est adjugée dans une salle des ventes parisienne une tête de femme sculptée par Modigliani datant de 1910-1912. Les enchères atteignent des sommes faramineuses pour l’œuvre d'un homme dont toute la courte existence ne fut qu'une survie difficile. Rien ne permet d'imaginer que cette œuvre représente Anna Akmatova mais Élisabeth Barillé veut le croire ! D'autant que quelques mois auparavant, dans un musée de Saint-Pétersbourg, elle a vu un dessin de Modigliani la représentant. Ce sera donc le point de départ de son roman.
Que sait-on d'une éventuelle liaison entre eux ? Pas grand chose, si ce n'est qu'ils furent fascinés l'un par l'autre, qu'ils se sont écrit, lui surtout quand elle est revenue en Allemagne « Vous êtes en moi comme une hantise, je tiens votre tête entre les mains et je vous couvre d'amour ». De telles paroles peuvent plaider en faveur d'une sculpture la représentant ou aussi signifier des relations plus intimes. Tout est donc possible pour la romancière bien que la poétesse confie « Je le vis peu en 1910 » mais précise « Je remarquais chez lui, quand nous nous revîmes en 1911, qu'il était amaigri, devenu sombre ». Quant au dessin représentant Anna, il est le survivant d'une série aujourd'hui disparue. Cette démarche artistique en direction d'une belle femme peut effectivement signifier un attachement particulier de la part de son auteur, mais rien n'est prouvé.
Quand ils se rencontrent, Anna est mariée mais son mariage bat de l'aile et son mari, soucieux de son image de poète veut y ajouter celle du voyageur. Il part donc pour l'Afrique, mais seul, et pendant deux années. L’épouse qu'il retrouvera à son retour sera transformée, affirmée dans l'écriture, elle est réellement devenue poète et n'est plus une femme effacée comme avant son départ. Quand elle reviendra à Paris un an plus tard, elle retrouvera Modigliani .
C'est un livre passionnant, fort richement documenté et fort bien écrit qui s'attache son lecteur dès la première ligne. Il fait revivre deux figures qui ont marqué le début du XX° siècle artistique, leur prête une liaison peut-être hypothétique mais si agréablement imaginaire.
Élisabeth Barillé est une auteure que je suivrai volontiers dans sa démarche littéraire.
©Hervé GAUTIER – Octobre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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