Dix petits démons chinois
- Par hervegautier
- Le 01/05/2012
- Dans Frédéric LENORMAND
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N°571– Mai 2012
DIX PETITS DEMONS CHINOIS[ Les nouvelles enquêtes du juge Ti,]. Frédéric LENORMAND – Points.
Nous sommes en 664 et Ti-Jen tsie, âgé de 34 ans est sous-préfet à Peng-Lai, une petite ville sur les rivages de la mer Jaune. C'était un peu la routine quotidienne quand on annonça la visite de Ni Houan-tché, le gouverneur de la province. Voilà qui allait briser un peu la torpeur de ce mois d'août. Plus préoccupé par ses multiples fonctions, Ti avait un peu oublié qu'à cette période de l'année, les âmes des morts incapables de trouver le repos dans l'Au-delà reviennent sur terre. Comme il convient à un fonctionnaire zélé et attentif à son avancement futur, notre mandarin accueille son supérieur avec tout le respect dû à son rang. Il ne tarde pas à s’apercevoir que ce Haut fonctionnaire de l'Empire est moins attentif que lui au respect de l'ordre public et se révèle au contraire être un parfait opportuniste, très peu soucieux des devoirs de sa charge et grandement cupide. En effet, un glissement de terrain met à jour d'anciennes sépultures et Ni souhaite avant tout s'approprier les richesses qu'elles contiennent, en retirer tous les mérites pour se faire valoir auprès de l'Empereur. Sous sa direction en effet, on visite prestement ces tombes et dix statuettes qu'elles contenaient sont dérobées qui apparemment sèment la mort autour d'elles, ce qui fait fuir le gouverneur laissant Ti en charge de ce problème de plus en plus délicat. Autour de lui, il ne manque pas de magiciens et de jeteurs de sorts pour prédire l'avenir et pour prétendre que, en cette fête des âmes affamées, ce sont les morts-vivants qui viennent tourmenter les humains. Il se trouve en effet confronté à des meurtres apparemment inexplicables et les assassins pouvaient parfaitement profiter de cette fête traditionnelle pour les maquiller et les faire endosser à une créature d'outre-tombe. Il avait déjà vu cela dans sa carrière de magistrat !
Ce n'était guère encourageant au vu du nombre de statuettes dérobées qui, chacune semble entraîner un crime. Ti, pétri de confucianisme, a, au regard des religions qui sont pratiquées dans l'Empire et qui mettaient en avant superstition et charlatanisme, une approche à la fois rationnelle et pragmatique. Il sait que tout cela avait une explication plausible, restait à savoir laquelle, et la chose n'était pas aisée ! Pourtant, il ne répugne pas à payer de sa personne, à jouer sur les croyances populaires, à les manipuler, voire à faire alliance avec les criminels du moment que cela va dans le sens de la manifestation de la vérité et donc d'une bonne administration de la justice.
Dans ce roman, comme dans bien d'autres Ti se révèle encore une fois un fin connaisseur de l'espèce humaine, un observateur avisé de la société qu'il a à gérer. Il jette sur ses contemporains un regard mi-amusé mi-inquiet et considère les relations qu'ils tissent entre eux, faite d'un profond mélange de bêtise, d'opportunisme et de méchanceté comme une leçon qu'il à tirer des hommes en général. Cela fait de lui un sage philosophe qui se consacre à la recherche des délinquants avec méthode et efficacité. En effet le confucianisme qui inspire chacun de ses gestes lui enseigne que « Là où il y a des hommes, il y a des démons » et qu'il convient à un lettré comme lui de ne pas se laisser abuser par les apparences.
J'apprécie toujours Frédéric Lenormand dont je lis les œuvres avec gourmandise, même si cette histoire, qui a été un agréable moment de lecture, est un peu moins dense que celles que j'ai déjà lues. J'ajoute que dans ce roman, comme dans tous les autres, le lecteur apprend beaucoup de choses sur la civilisation, sur les coutumes ou sur le droit chinois, sur les rituels des religions pratiquées à cette époque...
Ce que j'attends d'un livre, même d'une fiction, c'est certes d'être bien écrit, emprunt d'un humour jubilatoire, de m'inviter au rêve et au dépaysement, mais aussi qu'il soit bien documenté. Je dois dire que je suis pleinement satisfait. C'est là une marque de respect du lecteur que j'ai plaisir à souligner ici.
© Hervé GAUTIER – Mai 2012.
http://hervegautier.e-monsite.com
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