l'enquête russe
- Par hervegautier
- Le 26/12/2011
- Dans Jean-François PAROT
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N°550 – Décembre 2011
L'ENQUÊTE RUSSE– Jean-François PAROT- JC Lattès.
En cette année 1782, Louis XVI règne et l'action de la France en faveur des insurgés américains semble vouloir prendre un tour favorable au détriment des Anglais. Le tsarévitch Paul, le fils de Catherine II de Russie qui fait, en compagnie de sa femme le tour de l'Europe, séjourne incognito à Paris sous le nom de « Comte du Nord ». La Couronne voit là une occasion de se concilier, sur le plan international, les bonnes grâces de ce prince. A l'instigation de Sartine, impénitent collectionneur de perruques, ex- lieutenant de police, qui ne parvient toujours pas à se défaire de ses anciennes fonctions mais conserve en lui le sens de l'État, du service du roi et du secret, on met sur pied un projet en ce sens. Il s'agit de dérober au prince un objet précieux pour mieux le lui rendre ensuite et ainsi gagner sa confiance, sans, bien entendu, que la police soit compromise en cas d'échec et que le Roi lui-même n'en sache rien ! Le choix se porte sur une broche de grande valeur qui appartient à l'épouse du tsarévitch. Nicolas le Floch, marquis de Ranreuil, commissaire au Châtelet est évidemment chargé de cette mission délicate et surtout risquée puisque le « collaborateur » ponctuel, qui ne peut être qu'un malfrat, peut parfaitement disparaître avec son larcin. On choisit donc Dangeville, dit « la fouine », jeune et habile voleur promis à l'échafaud et engagé comme domestique dans la maison choisie par le tsarévitch. Il sera aussi les yeux et les oreilles de Le Floch. On va donc le manipuler, le circonvenir et lui promettre la vie sauve pour sa prestation. L'affaire se révèle plus délicate puisqu'il faut compter avec un grand nombre d'agents subalternes, parfois zélés et prévaricateurs, qui doivent cependant restés ignorants du projet, et surtout ne pas méconnaître les différents rouages de l'État et les hauts personnages désireux de ne pas perdre leur crédit auprès du monarque. Le secret devra donc entourer cette affaire pour ne pas qu'elle soit compromise malgré les inévitables dérapages et trahisons. Il a aussi quelques contradictions dans cette entreprise, d'autant que le Floch est tracassé par des états d'âme, chatouilleux qu'il est sur le plan de la probité et de l'honneur.
Comme les choses ne sont jamais simples, le comte Rovski, ancien favori de la tsarine et qui vit en exil à Paris, est retrouvé assassiné. Une autre enquête s'ouvre donc, où il est question de favorites, de « dames galantes », de prostituées assassinées et affreusement mutilées, de bouges et de prédictions de « La Paulet », vieille amie de Le Floch et tenancière de lupanar, reconvertie sur ses vieux jours en pythonisse... Le tout sur fond d'impopularité de Marie-Antoinette surnommée « Madame Déficit », de conflit avec les Anglais et de menaces pesant sur la vie du tsarévitch. D'autre part et paradoxalement, la visite du couple princier ne passe pas inaperçue dans la capitale, Benjamin Franklin, l'ambassadeur des « insurgents », cultive le secret autour de sa présence en France et à l'hôtel de Rovski, on découvre des indices qui donnent à penser que les Américains ne jouent pas franc-jeu avec la France et que les Russes souhaitent procéder à une médiation qui mettrait en péril les intérêts français.
Au cours de cette enquête aux multiples rebondissements qui met en scène « la meilleur police d'Europe », le lecteur croise l'espionnage, la fausse monnaie, les messages doublement codés au langage sibyllin, le secret et la raison d'État. Comme d'habitude les cadavres se multiplient autour de Le Floch et le mystère s'épaissit à chaque page.
Dans chaque roman, il y a l'énigme et c'est déjà un plaisir de la suivre; elle tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin. Mais écrire une fiction, c'est aussi créer des personnages, leur donner une vie, leur prêter des sentiments et chaque volume de cette « saga Le Floch » apporte au lecteur des détails qui enrichissent le portrait du héros. Il partage ses doutes, ses joies, ses espérances, son abnégation...
Comme toujours avec Jean-François Parot, la lecture d'un de ses romans est un agréable moment, à la fois dépaysant et instructif, poétique parfois dans certaines descriptions. Ils ont déjà fait l'objet dans cette chronique de nombreux commentaires ( La Feuille Volante n° 536-537-538-542-543). J'apprécie l'ambiance du XVIII° siècle, la bonne chère, la richesse du vocabulaire, les mots et expressions à la saveur surannée autant que la pureté de son style. C'est là une heureuse manière de servir notre si belle langue française.
Comme toujours je n'ai rien regretté... et j'attends le prochain.
© Hervé GAUTIER - Décembre 2011.
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