LES SOEURS DE PRAGUE-Jérôme Garcin
- Par hervegautier
- Le 01/09/2010
- Dans Jérôme GARCIN
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N°450 - Septembre 2010
LES SŒURS DE PRAGUE– Jérôme Garcin - Éditions Gallimard.
Cela commence plutôt fort par une lettre peu amène et carrément insultante de Klara Gottwalt, tchécoslovaque sulfureuse à un homme dont on comprend tout de suite qu'il est romancier. Cela ressemble à une rupture ou quelque chose qui a ressemblé à un contrat non honoré. Klara est en effet un agent artistique qui souhaite avoir dans son agence toutes les célébrités littéraires. Cette femme est tout l'inverse du narrateur originel, people, exagérément cabotine, manipulatrice, séductrice au franc-parler, énigmatique et autoritaire, désireuse de faire prévaloir le paraître et proche du monde politique qu'elle entretient de ses flagorneries.
Le narrateur, un auteur pas vraiment sympathique, cynique, un peu jouisseur et pas mal profiteur, paresseux, et qui n'a connu qu'un succès un peu fade, refait le chemin à l'envers, narre le jour de leur rencontre et le bénéfice qu'il espère tirer de cette « collaboration » puisqu'elle le sollicite. En réalité, l'écriture n'est pas pour lui un besoin viscérale mais bien plutôt un moyen de réussir dans la société. Pour cela, il va trahir tout son milieu jusque et y compris lui-même pour atteindre, l'espère-t-il, le succès et une hypothétique adaptation cinématographique de son manuscrit. Il marche si bien dans ce jeu sordide que son amie le quitte définitivement tant il est devenu abject! Pour parvenir à ses fins il va épouser les manières glauques de cette société marginale et parisienne où l'hypocrisie le dispute à la vanité.
L'histoire de Klara qui abandonne son fils à des dérives artificielles et ses parents à l'oubli, pour mieux connaître la réussite sociale, doublée de celle de sa sœur Hilda qui reste cependant en retrait pour mieux se réfugier, à la fin, dans des pratiques religieuses illusoires, illustre parfaitement quelques travers de la condition humaine. La mort semble guetter au coin de chaque chapitre pour avoir finalement le dernier mot, qu'elle prenne la forme d'un saut dans le vide ou d'une relégation volontaire sur une île de la côte l'atlantique quand elle est désertée par les touristes.
Cet épisode de la vie du narrateur va le révéler à lui-même et quand cette entreprise douteuse faite de scandales et d'escroqueries financières en passant par le démantèlement d'un raison de call-girls, et un avertissement de la mafia de Prague, tourne court, il s'exile seul à Noirmoutier comme pour tourner définitivement la page. Dégoûté du monde mais surtout de lui-même, il décide en effet de jeter aux orties ses fantasmes, sa chronique à France-Inter, ses prétentions littéraires qui menaçaient, malgré des velléités stendhaliennes, d'enfanter des personnages pas vraiment apparentés à ceux de son modèle. Son héros finissait par lui ressemblaient beaucoup, n'avait donc plus rien de commun avec la fiction et devenait même un peu dérangeants! Au bout du compte le narrateur perd le goût d'écrire.
Alors, roman catharsique ou règlement de compte sous la forme de peinture d'une société que l'auteur, qui en fait peu ou prou partie, décrit en trempant sa plume dans une encre pas très sympathique? Récit qui met en scène un écrivassier vaniteux sans réel talent (comme il y en a tant) qui recherche la « protection » d'une femme d'influence pour obtenir un succès médiatique? Sorte de mise en abyme où le lecteur ne discerne pas bien la dénonciation un peu méchante d'un milieu intellectuel et la mise en garde contre une profession nouvelle, les « agents littéraires » présentés comme des parasites qui se veulent indispensables? Est-ce, peut-être, sous la forme d'une allégorie, une manière d'évoquer l'abandon maternel, cette Klara étant à la fois une mère indigne pour son fils et une « protectrice » peu crédible pour ceux qu'elle a réussi à engager dans son agence.
J'avoue que j'ai été peu convaincu par ce récit où même le style m'a laissé un peu indifférent. Je pense aussi que les nombreuses références aux chansons, aux films qui donnent l'illusion d'une certaine érudition n'ajoutent rien au texte. Quant à l'évocation de personnages bien réels qui trouvent ainsi leur place dans ce récit de fiction, je n'en vois pas l'intérêt. Je dois dire que je suis parfaitement étranger à ce milieu parisien et faussement intellectuel, même si on admet facilement que de décor ne puisse longtemps faire illusion.
J'avais bien aimé « Son excellence monsieur mon ami » (La Feuille volante n°447) et j'avais eu envie de poursuivre avec cet auteur. Je ne suis plus sûr d'être du même avis.
© Hervé GAUTIER – Septembre.http://hervegautier.e-monsite.com
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