The hours
- Par hervegautier
- Le 17/07/2019
- Dans Michael Cunningham
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1366 – Juillet 2019.
The hours – Michael Cunningham -Harrap’s
Ce roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2002 (scénario de David Hare) à la distribution prestigieuse (Nicole Kidman, Julianne Moore, Meryl Streep) et couronnée par de nombreux prix.
Trois femmes, trois époques, trois destins avec comme fil d’Ariane le roman de Virginia Woolf « Mrs Dalloway » dont le thème et des scènes reviennent dans le roman de Cunnigham et également dans le film. Le roman et le film donnent à voir une journée de ces trois femmes et non une véritable histoire, une sorte de déambulation dans le quotidien de chacune d’entre elles, dans leurs souvenirs et dans l’intimité de leur psychologie. Virginia Woolf elle-même, illustre romancière du début de XX° siècle, entamant son roman « Mrs Dalloway » qui sera un succès littéraire, lutte contre la folie et succombe au suicide laissant une lettre à son mari le remerciant du bonheur qu’il lui a donné. Laura Brown est une mère américaine au foyer dans les années 50, enceinte de son second enfant et qui, ayant lu le roman de Virginia Woolf, souffre elle-aussi de mal-être face à un mari débordant de bonheur. Seul son jeune fils Richard comprend sa détresse mais cette femme, tentée sans doute par la mort, quitte sa famille dans l’espoir d’une autre vie. Clarissa Vaughan, éditrice new-yorkaise du début du XXI° siècle, malgré sa vie en couple lesbien, s’occupe depuis des années de Richard, son ancien amant qui vient d’avoir un prix littéraire prestigieux mais qui est malade du sida. Il est le fils que Laura a abandonné quelques années auparavant, mais il choisit de se suicider avant la réception que Clarissa a organisé pour son prix. Des trois femmes, c’est elle qui incarne le mieux Mrs Dalloway, l’héroïne de Virginia Woolf.
L’histoire terminée, il reste une ambiance délétère avec des interrogations sur la vie à travers le symbole des fleurs, sur la mort, sur la solitude, sur le bonheur dont les hommes ont une bonne fois décrété qu’il existait et donc qu’ils y avaient droit au cours de leur existence, sans se soucier si cela était possible. Elle est ainsi cette vie et on doit l’aimer telle qu’elle est, mais je ne suis pas sûr de partager cette affirmation. Richard, abandonné par sa mère, quitté par Clarissa puis par son ami gay, deviendra écrivain, c’est à dire créera dans son roman et sans doute dans l’ensemble de son œuvre, une ambiance harmonieuse qu’il n’a jamais connue et qui se manifeste sans doute par ces voix qu’il entend, qui le rassurent ou lui font peur, à moins que ces expériences malheureuses ne nourrissent sa créativité. Nous savons tous que la fiction est là notamment pour gommer les imperfections de notre pauvre monde ou pour nous les faire accepter. A ses yeux rien ne peut remplacer l’enfance que cette femme lui a volé, pas davantage la vie en couple dont il n’a eu qu’un mauvais exemple et surtout pas le succès qui a peut-être un peu tardé dans son cas. Laura qui s’ennuie dans un quotidien ménager s’imagine que son bonheur est dans la fuite mais confessera à la fin à Clarissa qu’elle rencontre, qu’elle ne l’a pas trouvé. Elle avait rêvé d’une autre destin et en avait assez de se sacrifier pour une famille qu’elle ne désirait peut-être pas, que les circonstances ou les convenances sociales lui ont imposées et qui n’était pour elle qu’un mensonge. Mais elle s’est crue autorisée égoïstement à briser cette réalité sans se soucier des autres membres de sa famille! Clarissa s’est sacrifiée pour Richard, par amour ou parce qu’elle a cru en son talent, mais il ne veut pas de son sacrifice. Virginia s’ennuie ferme loin de Londres et sa consécration littéraire ne lui suffit pas et, n’ayant pas réussi, malgré l’amour que lui porte son mari à s’accepter elle-même et à s’épanouir, choisit sa mort. Seule Laura a préféré la vie sans se soucier de ceux qu’elle a abandonnés mais on imagine ce qu’à été son existence, coupée de sa famille et maintenant chargée de cette culpabilité qui ne la quittera plus. Car c’est bien la mort qui plane sur ce drame. Elle est omniprésente dans l’enterrement d’un oiseau comme dans la défenestration de Richard ou la conclusion choisie par Virginia, dans l’hospitalisation de la voisine de Laura qu’on imagine atteinte d’un cancer. Elle est simplement la fin de notre parcours individuel, une délivrance peut-être et imaginer autre chose après est un mirage.
Cette fiction, au-delà de l’impression un peu malsaine qui s’en dégage, me paraît être une image bien réelle de cette vie qui est imposée à chacun, à charge pour lui d’en faire quelque chose d’honorable pour la collectivité dont il fait partie, en se débrouillant avec le hasard, avec son destin s’il existe, la malchance qui peut le frapper, le poids de son atavisme, les avanies que les autres, et particulièrement ses proches peuvent lui imposer, tout en faisant semblant, avec une bonne dose d’hypocrisie toujours renouvelée, de croire que la liberté individuelle existe réellement et autorise tout, que notre vie nous appartient, que le bonheur est possible, que la solitude est un poids que la vie en couple et l’amour qui devrait aller avec, ne guérissent pas, que la vie est belle…
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
Ajouter un commentaire