GILLES & JEANNE - Michel TOURNIER - Editions Gallimard.
- Par hervegautier
- Le 04/04/2009
- Dans Michel TOURNIER
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N° 205 - Mai 1999
GILLES & JEANNE - Michel TOURNIER - Editions Gallimard.
Je l’ai souvent dit dans cette chronique, la nouveauté d’un livre n’est pas un critère suffisant pour susciter mon intérêt. J’ai vérifié encore une fois cette évidence avec cet ouvrage.
L’histoire nous enseigne que Gilles de Rais, Maréchal de France était le compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Les contes nous l’ont également dépeint sous les traits de « Barbe bleue ». J’avoue que le personnage m’avait un temps intéressé et avait éveillé ma curiosité mais j’en étais resté là, sans réelle envie d’en savoir davantage. Les stéréotypes ont parfois la vie dure!
Je savais aussi qu’il était grand amateur d’art et de chants d’église, créateur d’une chorale pour la chapelle de son château de Tiffauges, qu’il était connu pour être l’assassin et le sodomite de jeunes garçons qu’il recrutait notamment pour leur voix. Je connaissais enfin sa mort tragique sur le bûcher à Nantes. Tout cela c’était l’histoire.
La lecture de ce roman pris au hasard sur les rayonnages de la bibliothèque, dans le seul but d’enrichir ma connaissance de l'œuvre de Michel Tournier m’a émerveillé. Je ne partage pas exactement sa vision des choses, mais enfin ce roman explique à sa manière ce qu’était cet homme et j’avoue que cela m’a bien plu.
A travers un travail d’historien, d’érudit qui ne commence jamais un livre sans une foule de notes(ce que j’apprécie aussi dans les romans qui sont des œuvres imaginaires c’est d’apprendre quelque chose, de recevoir un message sous les apparences parfois anodines du conte. J’ai tout loisir de l’interpréter à ma manière selon ma sensibilité du moment.), notre auteur révèle que les meurtres et les crémations d’enfants seraient pour lui une obsession depuis qu’il a assisté à Rouen au supplice de Jeanne d’Arc. Dès lors, pour lui Jeanne étant une sainte, le bûcher et l’odeur qui s’en dégage ne pouvaient être que l’image du Ciel et de la sainteté.
La dévotion qu’il avait pour « Les Saints Innocents », ces enfants qui furent massacrés sur l’ordre du roi Hérode expliquait la quête qu’il menait dans les villages entourant ses châteaux de ces enfants qu’on ne revoyait jamais. Au spectacle d’enfants égorgés, Gilles ressentait une certaine jouissance en se demandant si la pitié qu’il éprouvait pour ces petits êtres procédait de Dieu ou du Diable.
La disparition de Jeanne d’Arc avait été pour Gilles de Rais une épreuve au point qu’il paraissait possédé par son fantôme. Il recherchait son visage, celui d’une femme-garçon dans tous les êtres jeunes qu’il rencontrait. Son âme errante l’obsédait au point de la voir partout.
Toutes ces « turpitudes » seront interprétées par un aventurier toscan fort disert et connaissant bien l’Ecriture qu’il interprète à sa manière, entraînant cependant Gille sur les voies de la sorcellerie... pour mieux retrouver Jeanne et son esprit! D’ailleurs ne l’avait-on pas chargée de ce chef d’inculpation?
Puis ce fut le procès conduit par l’Evêque de Nantes, Jean de Malestroit où tout fut dit même si cette procédure visait aussi à le déposséder de ses immenses richesses et de son influence politique. C’est vrai aussi que Gilles se métamorphosa, qu’il apparut à la fin comme repentant et soumis, absout certes par son confesseur qu’il avait souvent laissé circonspect à l’énoncé de ses pêchés. Était-ce pour retrouver Jeanne qu’il confessa lui même toutes les fautes dont on l’accusait et qui réclama lui-même la sentence du bûcher? A entendre notre auteur, Gilles avait juré de la suivre jusqu’à la mort.
Même si je ne souscris pas à la démarche de Michel Tournier je dois avouer quand même avoir passé un bon moment en sa compagnie.
© Hervé GAUTIER
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