CONTES FAROUCHES - Neel DOFF
- Par hervegautier
- Le 19/04/2010
- Dans Neel DOFF
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N°418– Avril 2010
CONTES FAROUCHES – Neel DOFF[1858- 1942]– Plein Chant.
Ils sont bien nommés, ces « contes farouches », sauvages, barbares, violents, cruels, implacables, timides aussi. Ils incarnent la misère qu'a connue l'auteure surtout au cours de son enfance et elle tenta probablement de l' exorciser ainsi, par lécriture. Au cours de longues nouvelles, au début, c'est le quotidien du XIX° siècle en pays flamand qu'elle fait revivre pour son lecteur. Mais elle choisit un sous-prolétariat caractéristique.
Les hommes y sont présentés comme des êtres vulgaires et violents, les garçons comme maladroits, timides ou malchanceux, les femmes sont souvent des victimes, vouées aux maternités répétées, à la domesticité ou à la prostitution et l'âpreté de la vie sert toujours de décor.
Ce ne sont que des nouvelles, c'est à dire des œuvres de fiction, mais il est difficile de ne pas y voir une touche auto-biographique. Comme la narratrice du « Grelotteux », elle appartient à une famille de neuf enfants dont les parents sont présentés comme de braves gens irresponsables, aime lire et fait acte de révolte contre le sens des choses qui gouvernent sa vie. Comme elle, elle baigne dans une extrême pauvreté dans le froid et la faim et suit ses parents dans leurs déplacements successifs de la Hollande à la Belgique, pour échapper à la misère. Elle parle de la prison qu'a connu un de ses frères, de la maladie et de la mort. Après de petits emplois de domestiques, elle finit par poser pour un peintre qu'elle impressionne par son intelligence sa culture et son jugement, ce qui tranche avec ses origines modestes. Elle servira de modèle à d'autres artistes ce qui assurera en quelque sorte sa promotion sociale et lui permettra d'échapper à sa condition.
Plus tard, elle se fixe dans la région de Bruxelles et, n'oubliant rien de son passé, choisit de défendre les ouvriers et les plus pauvres en s'engageant dans l'action politique et le socialisme. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre son premier mari qui était journaliste puis, une fois veuve, le second qui était avocat. Elle se fixe ensuite à Anvers et commence à écrire, en français, langue portant apprise tardivement, un premier livre largement autobiographique « Jour de famine et de détresse » où elle raconte la triste histoire de Keetje, fillette pauvre qui doit se prostituer pour nourrir ses frères et sœurs. [Il semble cependant qu'elle prétendra ne pas être passée, elle-même, par cet état de prostitution, mais après tout peu nous importe] . D'autres suivront, toujours inspirés par des faits réels et peuplés de personnages qu'elle a effectivement rencontrés.
Sa langue et son style sont d'une grande limpidité, d'une lucidité étonnante. Elle emploie un vocabulaire précis mais non précieux et surtout sans aucune prétention intellectuelle. Son témoignage qui fait montre d'un grand réalisme et d'une particulière authenticité est bouleversant et l'a parfois fait comparée à Émile Zola. Son personnage et son œuvre ont fait l'objet de nombreuses études.
©Hervé GAUTIER – Avril 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
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