la feuille volante

TUEZ QUI VOUS VOULEZ

N°817 – Octobre 2014.

 

TUEZ QUI VOUS VOULEZ Olivier Barde-Cabuçon. Actes sud (Actes noirs).

 

Nous sommes en 1759 et Paris est perturbé par d'étranges assassinats qui vont occuper le Chevalier de Volnay, commissaire au Châtelet et « aux morts étranges ». Les trois victimes, de jeunes hommes, sont égorgées et on leur arrache la langue, un bien curieux modus operandi, d'autant que chacun d'eux était porteur d'un mystérieux breuvage. De plus on approche de « La fête des fous » qu'un inconnu veut ressusciter après qu’elle fut longtemps interdite et pendant laquelle les fondements de l'ordre social et religieux sont menacés puisque le peuple va goûter à la liberté pendant trois jours. Il n'en faut pas davantage pour perturber Sartine, le lieutenant Général de police qui a horreur de ces débordements populaires. Comme si cela n'était pas suffisant, les Jansénistes s'opposent à cette occasion à l’Église, et donc au pouvoir royal. Quant aux sciences occultes, elles font florès et minent la société et des pratiques qui ressemblent fort à des superstitions religieuses ont lieu à Paris. Le roi Louis XV lui-même est de plus en plus impopulaire tant au parlement que dans les rues. Enfin, le dernier mort est Russe, ce qui ne va pas manquer de donner aux investigations de Volnay la dimension d'une affaire d’État et ce d'autant plus que le chevalier d’Éon, alors secrétaire d'ambassade à Saint-Pétersbourg et de retour en France, personnage fort mystérieux, viendra compliquer cette situation qui ressemble de plus en plus à un imbroglio diplomatico-judiciaire. Son appartenance au ministère des affaires étrangères le met hors de portée des autorités de police et même de Choiseul, principal ministre, puisqu'il est dans le « secret du roi ». Ainsi cette affaire se transforme-t-elle en véritable lutte de pouvoir au sein de la cour, dans une ambiance de suspicion générale où tout le monde espionne toute le monde.

 

J'ai bien aimé me retrouver dans le quotidien de ce Paris du siècle des Lumières, à la fois libertin et populaire, agité par la contestation, les croyances surannées et l'ambiance de « cour des miracles » de certains quartiers. Les descriptions sont humoristiques parfois, précises toujours, qu'on soit au cabaret, dans la rue, dans un salon ou dans un bureau ministériel. Des détails culinaires nous sont aussi largement dispensés ce qui ajoute à la sensation de dépaysement. On y croise des prostituées et des « mouches » dont le rôle est de surveiller le peuple toujours enclin à la révolte, aux trafics en tous genres. Le style est alerte, humoristique, le scénario bien mené, avec juste ce qu'il faut de suspens, les personnages campés avec talent. Volnay nous est présenté comme un homme sérieux mais passionné alors que son père, costumé en moine hérétique a tout du paillard et de l'anarchiste. Pourtant il cache un savoir encyclopédique et médical mais surtout une mélancolie que la mystérieuse Hélène s'attachera à exorciser.

 

Le roman se lit bien et m'a procuré un réel plaisir. Cela m'a un peu rappelé Nicolas Le Floch, lui aussi commissaire au Châtelet à la même époque, le personnage de Jean-François Parot, ou Voltaire lui-même quand Frédéric Lenormand le transforme en enquêteur... mais peu importe, ce XVIII° siècle me fascine toujours autant.

 

C'est le premier ouvrage que je lis de cet auteur découvert par hasard. Je me manquerai pas de poursuivre la lecture de son œuvre, passionnément !

©Hervé GAUTIER – Octobre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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