LES SEPT COULEURS
- Par hervegautier
- Le 09/12/2014
- Dans Robert Brasillach
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N°840 – Décembre 2014.
LES SEPT COULEURS – Robert Brasillach – PLON.
Ce roman édité en 1939 manqua lui aussi de peu le Prix Goncourt. Même s'il n'est plus guère édité aujourd'hui à cause des prises de positions politiques de son auteur, il fait partie de ces œuvres qui ont manqué de quelques voix cette distinction prestigieuse mais qui sont restées dans la mémoire collective alors que le lauréat de cette année-là est, lui, demeuré dans l'anonymat.
Nous sommes à Paris en 1920 et Patrice et Catherine découvrent la capitale. Lui, professeur, est un peu désargenté, fréquente des hôtels miteux des restaurants populaires. Il se rend comme précepteur en Italie fasciste qu'il admire tout en gardant un contact épistolaire avec Catherine. Il va durer plusieurs mois. Lui est follement amoureux d'elle et souhaite l'épouser mais, désireuse de stabilité et de sécurité, elle se marie c'est avec un autre homme, François Courtet. Désespéré par ce chagrin d'amour, Patrice s’engage dans la légion étrangère et se bat au Maroc, alors sous protectorat français. A la fin de son engagement, à l'invitation d'un ex-légionnaire, il rejoint l’Allemagne nazie à laquelle il trouve beaucoup de vertus et travaille à la chambre de commerce française de Nuremberg. Il y vit une liaison passionnée avec une jeune allemande, Lisbeth. Lors d'un voyage en France, il reprend contact avec Catherine qu'il veut reconquérir. C'est l'époque de la Guerre civile en Espagne et François, autant par idéal politique fasciste que doutant de la fidélité de son épouse, s'engage aux côtés de Franco et participe à la défense de l’alcazar de Tolède, bataille pendant laquelle il est blessé. Catherine finit par le rejoindre.
Ce roman est placé tout entier, en quelque sorte, sous le patronage de Corneille et plus spécialement de « Polyeucte », une tragédie dont certains vers se retrouvent en exergue de tous les chapitres. Cette pièce évoque un sujet religieux et plus spécialement le martyre d'un personnage converti au christianisme, intervenu au III° siècle après Jésus-Christ, lors des persécutions contre les chrétiens. Cette référence, dans le contexte du roman de Robert Brasillach [1909-1945] n'est pas, on le voit bien, un simple exercice de style de la part d'un intellectuel. Le contexte chrétien de la pièce de Corneille est remplacé par le fascisme. C'est aussi un roman d'amour où, tout comme dans la pièce de Corneille, Catherine renonce à Patrice pour l'amour plus stable et plus sûr de François. Techniquement, Brasillach alterne récits et correspondances, journal et réflexions intérieures. Il s'en explique brièvement dans le prologue, revendiquant la liberté dans ce domaine [« On a tenu pour des romans, au cours des siècles, des récits, des fragments de journaux intimes, des ensemble de lettres, des poèmes, des constructions idéologiques...des dialogues comme ceux qui furent à la mode avant guerre. »]. Le titre peut poser question. Brasillach structure son roman en sept chapitres où se mêlent effectivement diverses formes de narration. Fait-il référence aux couleurs de l'arc-en-ciel qui est lui-même un symbole, celui d'un pont entre deux mondes, un chiffre sacré ? L'auteur a-t-il voulu composer ici une œuvre sur le passage de l’adolescence à l'âge adulte, une sorte d'écrit initiatique d'adieu à la jeunesse ? La symbolique de la lumière initialement blanche (pureté ?) décomposée en sept tonalités chromatiques par le prisme du temps ou de l’expérience peut évoquer cet abandon d'illusions, de certitudes, de fantasmes liés à la jeunesse ? Pourquoi pas ! En tout cas, en 1948, son beau-frère, Maurice Bardèche, écrivain négationniste et fasciste, fonda une maison d’édition qui porta le nom de cette œuvre. Son but était de redonner la parole aux écrivains nationalistes et collaborationnistes que l’épuration avait fait taire.
A titre personnel, je me suis toujours demandé comment un tel serviteur zélé de notre belle langue française, de sa culture a pu se fourvoyer ainsi dans les dérives de la collaboration et dans sa participation à « Je suis partout ». Je n'ai évidemment pas su, à ce jour, répondre à cette question mais il fut fusillé en 1945 malgré une pétition générale d’écrivains en sa faveur.
C'est un roman de facture originale dont la structure de la phrase est cependant classique. Il est, agréable à lire, poétique aussi surtout, à mon avis, dans la partie « discours » de cette œuvre. L'auteur était en effet un intellectuel, normalien, un écrivain qui a fait honneur à notre langue.
©Hervé GAUTIER – Décembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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