JARDIN D'HIVER
- Par hervegautier
- Le 02/03/2015
- Dans Thierry Dancourt
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N°875– Mars 2015
JARDIN D'HIVER – Thierry Dancourt – La Table ronde
Avec qui Pascal Labarthe, le narrateur, avait-il rendez-vous à Royan, au cœur de l'hiver dans cette ville qu'il ne connaît pas, peuplée à cette période de l'année uniquement par des retraités ? En outre, il y vient par le car et loge dans un hôtel un peu anachronique qui ne comporte qu'une seule chambre. Ce n’est pas comme en été où se pressent tant d'estivants dans cette citée qui ne date que de la fin de la 2° guerre mondiale, où il n'y a pas la moindre vieille pierre. Ici c'est la mer et seulement elle qu'on vient visiter, dont on vient profiter, avec le soleil et le farniente, évidemment.. On dirait qu’il débarque ici avec toute sa richesse, une valise et une machine à écrire...Et c'est presque dans une ville fantôme qu'il arrive.
Dans cet établissement L’hôtel Océanic, dont le nom ne brille guère par son originalité, il rencontre le client attitré de cette unique chambre, Serge Castel, un voyageur de commerce sur le déclin. A la suite de rapides présentations entre eux, on apprend que Labarthe est écrivain-documentaire, précise-t-il, par opposition à écrivain-artistique qui a surtout écrit quelques rébarbatifs fascicules destinés à la population préadolescente. Il vient à Royan pour un rendez-vous, un simple rendez-vous... Le tableau se complète avec ce patron d'hôtel qui ne parvient pas à fermer un établissement qu'il a pourtant un peu de mal à gérer malgré son unique chambre, ce voyageur de commerce, « sans voyage ni commerce » avec son éternelle Player's éteinte au coin des lèvres et cet autre homme amateur de sandwichs au pâté, de journaux périmés et de séjours prolongés dans la bibliothèque municipale ! Ils semblent tous être sortis de nulle part et être carrément hors du temps. Dancourt en rajoute un peu avec cette photo en noir et blanc aux bords dentelés qu’accompagnent quelques mots, comme un souvenir. A l'aide de nombreux analepses, l’auteur balade son lecteur dans le temps, de l'occupation allemande à nos jours, dans cet hiver royannais.
Ce qu'il vient chercher après tout ce temps, il nous le dévoilera au fur et à mesure des chapitres aux couleurs un peu grises, décrivant avec minutie cette vacuité de l'hiver dans la station balnéaire, ces volets fermés, ces villas vides, ces jardins à demi en friche, ces pins maritimes...Elle correspond à l'état de son âme. Mais que vient-on chercher dans une telle ville à la morte saison sinon ses souvenirs, son passé ?
L'amour est un sentiment particulier. Il nous lie à une autre personne pour un temps ou pour longtemps et la mémoire ne garde pas forcément la trace de ceux qui n'ont fait que passer dans notre vie. J'ai le sentiment que Pascal n'est pas un de ces séducteurs, un de ces hommes pour qui les femmes ne sont que des proies, qui sont capables de n'importe quoi pour obtenir leurs faveurs et qui, une fois la victoire acquise, les oublient et les fuient. Non, lui, c'est un sentimental. Certes, la passade parisienne qui l'a lié quelques années auparavant à cette jeune femme anglaise, Helen, était un amour de contrebande puisqu’elle était mariée. Elle avait fini par disparaître de sa vie aussi facilement qu'elle y était entrée... Quant à Pascal, il ne parvient pas à la gommer de sa mémoire, au point de refaire le chemin à l'envers, pour en retrouver sinon la trace à tout le moins la silhouette dans une villa de Royan qu'elle a jadis habitée, avec pour seule boussole un cliché d'un autre âge. Elle devient dans sa tête l'image de la femme idéale entre les berges de la Seine et le littoral charentais. Quant à Abigail Lulamae, au nom imprononçable, elle fait figure d'amour de substitution.
J'ai lu ce livre pris au hasard sur les rayonnages d'un bibliothèque, comme souvent. Ce n’est pas mal écrit, l'écriture est fluide, les mots distillent une petite musique nostalgique. Le livre refermé, il me reste une impression bizarre, pas vraiment mauvaise. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose mais je ne suis pas vraiment entré dans ce roman, j'ai pourtant poursuivi ma lecture, peut-être par curiosité, peut-être parce qu'il se déroulait à Royan, une ville qui ne m'est pas étrangère et qui pour moi aussi est porteuse de souvenirs.
©Hervé GAUTIER – Mars 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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