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la feuille volante

LA FEMME SOUS L'HORIZON - Yan QUEFFELEC

 

N°46

Juillet 1990

 

 

 

LA FEMME SOUS L’HORIZON – Yan QUEFFELEC – Editions Juillard.

 

 

J’avais encore en mémoire le climat qui baignait « Noces barbares » ont la lecture remontait pourtant à quelques mois quand ce roman s’offrit à ma curiosité. Le destin de ce petit garçon, né d’un viol collectif, rejeté par sa mère, aimé gauchement par un père qui n’était pas le sien et qui trouve refuge dans une épave m’a rappelé celui de Tina, née elle aussi par hasard avec une cicatrice énigmatique sur le visage et qui cherche le secret de sa naissance dans le silence gêné de ses proches et les figures du tarot. Son sang, son visage, son âme, elle les doit à sa mère, exilée elle aussi dans la vie, avec pour quotidien la haine et la violence de cette famille bizarre, aux vagues racines russes, jetée là dans un coin de France. Il y a nombre de points communs entre ces deux enfants, héros de deux romans, je devrais dire de deux tragédies ou la mort est le seul gagnant.

 

Comme toujours, les personnages sont fascinants. Carmilla, la Roumaine, belle, fuyant, indéfinissable, Vladimir, ce Russe qui ne connaît de son pays que les icônes et les souvenirs macabres de Zinnaïde, cette mère abusive qui règne sur une maison-épave, Lev qui vit dans son ombre, Zénia, attirée par le plaisir et par le néant parce que la vie est pour elle un fardeau, Misha, victime de sa passion pour Tina, ballotté au gré des sautes d’humeur de cette femme qui ne sera jamais vraiment à lui. Tous sont englués dans la trame d’un destin où le bonheur n’a aucun droit de cité. Tous s’accrochent à la vie, mais la mort veille qui aura le dernier mot et viendra les prendre en traître.

 

La vie n’est pour eux qu’une perpétuelle recherche du bonheur autant qu’une fuite éperdue devant lui, à l’image de ce feu omniprésent qui réchauffe et détruit, donne indifféremment la vie ou la mort. C’est une lutte incessante, comme un jeu à travers la séduction, la violence, les passions, les obsessions et la nostalgie, avec, à contre-jour la fascination de la mort, cette délivrance potentielle qui s’étale comme l’image virtuelle d’un visage reflété par un miroir.

 

Jusqu’à la dernière ligne, le lecteur passionné espère que tout cela n’est qu’un rêve et que la vie gagnera parce que dans les épreuves on puise aussi des raisons d’exister.

 

Mais, le livre refermé, il reste les personnages, leur destin, et cette impression assez indéfinissable qui se dégage d’un texte tressé avec un incontestable talent.

 

 

© Hervé GAUTIER.

 

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