la feuille volante

BAMBI BAR

 

N°947– Août 2015

 

BAMBI BAR – Yves Ravey Les éditions de Minuit.

 

Au départ une enquête de routine des gendarmes à propos d'un accident de la circulation effectuée chez M. Léon Rebernack, un artisan étranger originaire d'un pays de l'Est et titulaire d'une carte de séjour. Une jeune fille à bicyclette a été renversée par une voiture et son véhicule porte des traces de choc. Ce n'est donc pas grand chose d'autant plus que nos braves pandores, même s'ils sont dubitatifs, pensent qu'il n'y est pour rien. Encore que, ils parviennent quand même à le mettre en condition pour qu'il sente que pèse sur lui une certaine suspicion et qu'il finisse par leur donner des informations…

 

Au fur et à mesure de cette rapide enquête on apprend qu'il est chauffagiste et observe à la jumelles les habitants, et surtout les habitantes, Monica et sa fille Caddie, qui logent au-dessus du Bambi Bar en face de chez lui. Il peut donc s'agir d'un vulgaire voyeur. Le reste du roman se charge de faire changer d'avis le lecteur, et même de lui rendre sympathique ce chauffagiste qui n'est pas là par hasard. Je suis même sûr que, au cours de ses « aventures », il en vient à lui souhaiter bonne chance tant son entreprise, celle qui l'amène réellement ici, peut sembler désespérée. Au départ, la situation est banale au point qu'on se demande quel est son véritable intérêt, ni même s'il y en a un, autre que celui d'un mâle frustré qui ne peut vivre que de misérables expédients sexuels. Le thème de ce court roman est au contraire bien actuel, celui du trafic d'êtres humains venus des pays de l'Est, le contexte géographique l'est lui un peu moins comme d'ailleurs la marque des voitures, ce qui plonge le lecteur dans une certaine perplexité, interdisant, peut-être volontairement, une localisation spatio-temporelle.

 

Je remarque que la structure de la phrase est toujours réduite au minimum, l'auteur ne se livrant à aucun artifice syntaxique, pour insister probablement sur l’intensité de l'action. Cela procure un lecture un peu sèche, minimaliste, que le lecteur apprécie en fonction de sa culture et de son approche littéraire mais qui le tient quand même en haleine jusqu'à la fin. De plus, il n'y a guère ici d'analyse psychologique des personnages. Au contraire, l'auteur déroule simplement une action qui rebondit au fur et à mesure du récit et entretient ainsi le suspense mais ne dit pas grand-chose des différents protagonistes. Il livre un minimum sur leur histoire personnelle, un peu comme s'il laissait le soin au lecteur de les juger et d'apprécier leur choix. Là aussi c'est un parti-pris de notre auteur bien que personnellement je ne goûte guère, préférant les écritures plus fluides, les analyses plus fines. En revanche, je dois dire que l'intensité du roman dure jusqu'à la fin. Plus un roman à énigme donc qu'un véritable roman policier.

 

Dans de précédentes chroniques, j'ai déjà noté le contexte familial toujours un peu éclaté dont il est question (« Le drap » - « Enlèvement avec rançon »- « Cutter »). Je ne sais comment l'interpréter, découvrant petit à petit l’œuvre de notre auteur, mais il m'apparaît que ce thème, récurrent dans nombre de ses romans, est sûrement significatif.

 

Hervé GAUTIER – Août 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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