la feuille volante

L'explosion de la tortue

N°1778– Septembre 2023

 

L’explosion de la tortue – Eric Chevillard – Les éditions de Minuit.

 

Le narrateur et sa compagne Éloïse, qui habitent un deux pièces parisien partent en vacance en y laissant, Phoebe, une petite tortue de Floride mais non sans lui avoir laisser largement de quoi manger pendant cette période solitaire. A leur retour elle meurt d’avoir été ainsi abandonnée. Un tel événement est toujours un petit drame pour les amateurs d’animaux de compagnie. On aurait pu s’arrêter là mais c’est compter sans la faconde de Chevillard qui, donnant la parole à son unique personnage lui permet de raconter sa vie et d’évoquer l’inconséquence de la voisine du dessus avec ses talons et son chien, le libidineux concierge. On en apprend de belles sur lui, sur sa jeunesse et ses expériences incestueuses avec sa propre mère, les épisodes de harcèlements scolaires auxquels il a lui-même participé et dont il se vante. Ainsi, à partir d’un banal épisode de vie du commun des mortels qui serait passé inaperçu notre auteur décline-t-il toute une histoire à la fois délirante et échevelée, mêlant truismes, aphorismes, jeux de mots et sur les mots, termes surannés et néanmoins poétiques …Mais je commence à en avoir l’habitude !

Tout cela débouche, allez savoir pourquoi, sur l’évocation des œuvres posthumes de Louis-Constantin Novat, auteur inconnu sauf de notre narrateur qui avait fait des recherches sur cette œuvre et s’était vu dépossédé de son travail par un indélicat. Il entend maintenant se l’ approprier. Au moins a-t-il l’honnêteté de l’avouer mais ce plagiat pourtant déjà usité est pour lui une occasion de régler des comptes autant avec un lectorat tiède qu’avec des éditeurs boudeurs. Pourtant cela ne fonctionne pas.

Chevillard en profite pour nous parler des animaux ; Il semble avoir une obsession des hippopotames, déjà présent dans « Oreille rouge », un autre de ses romans. Il passe tellement du coq à l’âne qu’on ne serait pas étonné qu’il évoquât l’une et l’autre de ces bêtes au détour d’un paragraphe, surtout si elles n’avaient rien à y faire. Quant à son histoire initiale de tortue, le lien qu’il fait entre ces deux thèmes est des plus subtils, pour ne pas dire fragiles. Peut-être ces tentatives avortées de redonner vie à cette pauvre Phoebe sont-elles à rapprocher à celles de faire revivre l’œuvre de Novat ? Pourquoi pas, mais je ne suis sûr de rien !

Je dois reconnaître que son style est toujours aussi jubilatoire. Le livre refermé, j’admets que, même si j’ai eu un peu de mal à suivre (je ne dois pas être le seul) et si j’ai une idée un peu différente de la littérature (idée rétrograde à n’en pas douter et qu’il convient de combattre en ne refusant ni l’originalité, ni l’étonnement bien légitime éprouvé après une telle lecture) j’ai néanmoins poursuivi ma lecture jusqu’au bout, partagé entre l’envie de connaître l’épilogue (ce terme ici n’est sûrement pas autres chose qu’un concept) et de continuer à entendre cette petite musique, tout en étant persuadé que je n’y comprend rien.

 
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