la feuille volante

La plage

La Feuille Volante n°1034– Avril 2016

LA PLAGE– Marie Nimier- Gallimard.

D'abord une île inconnue qu'on imagine méditerranéenne avec une crique sauvage et une jeune femme également inconnue (le lecteur ne saura pas son nom, elle sera « l'inconnue », mais est-ce bien important ?) qui choisit de s'y rendre parce que ici, sur cette île, il y a une grotte où deux ans auparavant elle y a fait l'amour avec un homme, « le voyageur », disparu de sa vie depuis. C'est donc à une sorte de pèlerinage qu'elle se livre, avec toute la nostalgie qui va avec, mais celui-ci est contrarié parce que l'endroit est déjà occupé par un père et sa fille (Eux non plus n'ont pas de nom, elle les baptise « le colosse » et « la petite » (déjà une jeune fille) et c'est bien suffisant. «L'inconnue », décide d'attendre qu'ils partent, de tuer le temps en se baignant nue, mais au bout de trois jours, après avoir observé ce couple étrange père-fille qui n'est pas sans lui rappeler celui qu'elle formait avec son père, elle décide de se montrer. A la faveur de cette rencontre, petit à petit, avec un luxe de précautions, de timidité, de retenues, de beaucoup de silences et de respect de l'autre, une sorte de complicité puis de partage de secrets intimes se tissent entre « l'inconnue » et « la petite » puis c'est le père qui accepte de parler de lui, de sa femme avec qui il a rompu à cause sans doute d'une sorte de nymphomanie ou de goût pour la liberté, incompatible avec sa qualité de mère et de femme mariée. C'est une manière de briser le stéréotype un peu trop convenu du mari volage et de l'épouse trompée. Il ne voit sa fille que par intermittence et ne veut rien perdre de ces moments. On devine ce qu'a été la vie conjugale délétère de cet homme tiraillé entre un abandon qu'il combat comme il peut et l'amour de sa fille déjà grande, perturbée par la mésentente de ses parents, mais qui ne voudrait pas quitter l'enfance trop vite. Entre eux il y aura cette inévitable passade inspirée, de son côté à lui, par une solitude difficile à supporter surtout en présence d'une jolie femme et pour elle le souvenir de cette étreinte fugace avec « le voyageur » et peut-être aussi son attachement à « la petite ».

Le livre refermé, que reste-il de ce roman au style fluide, agréable et facile à lire ? Du soleil d'été, des vagues chaudes et des galets, du farniente, des senteurs de pinède et de garrigue, des descriptions poétiques de paysages, des évocations parfois érotiques… Ce que je retiens surtout c'est une sorte d'impression de solitude qui habite chaque personnages. Au fil du récit on a la certitude que, malgré les apparences, ils ne se rencontreront jamais vraiment et le moment d'extase passé, chacun retournera à sa vie d'avant, comme si cette période estivale entre parenthèses n'avait servi qu'à tisser des souvenirs, vous savez, ce qui encombrent pour longtemps votre mémoire, avec ses bons moments mais surtout avec ses regrets, ses remords ! J'y ai vu de la nostalgie, l'empreinte du temps qui passe et des projets un peu fous qui ne se réaliseront jamais et laisseront ces protagonistes face à eux-mêmes, à leur mélancolie d'avant. C'est banal, mais j'ai eu l'impression, au cours de ce récit, de l'abolissement du temps, comme s'il était suspendu à la tranche de vie de chacun, coincée elle-même entre leur passé tumultueux et leur avenir incertain. Chacun à sa manière a connu l'abandon et va renoué avec lui après cette aventure d'été. Le décor de la grotte a un côté anachronique, sauvage et pourtant savamment organisée ; on peut y voir nombre de symboles.

Je ne me suis pas ennuyé à la lecture de ce court roman qui ne relate pas autre chose qu'un amour de vacances avec tout ce qu'il a de fugace, de temporaire, une façon, si on veut le voir ainsi d'enjoliver un peu un quotidien morne. Un bon moment de lecture ne tout cas.


 

© Hervé GAUTIER – Avril 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]

 
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