Madelaine avant l'aube.
- Par ervian
- Le 24/08/2025
- Dans Sandrine Collette
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La Feuille Volante - N° 2007 – Août 2025.
Madelaine avant l’aube – Sandrine Collette – JC Lattès.
Prix Goncourt des Lycéens 2024 – Prix Goncourt des détenus 2024.
D’abord le décor présenté par Bran l’un des narrateurs, celui d’un hameau pauvre et froid et entouré de forêts, Les Montées, peuplé de paysans durs à la tâche, qui s’épuisent pour ceux qui sont propriétaires des terres et dont il subissent injustices et brutalités. On peut aisément imaginer le Moyen-Age où les maître sont tout puissants et le monde inchangé depuis toujours. Il est composé de trois fermes où vivent trois femmes, Aelis et Ambre, deux jolies jumelles et de leur mari et leur voisine, Rose, rebouteuse et un peu sorcière qui découvre un jour une petite fille, Madelaine, jetée là par le froid et la faim et que recueille Ambre qui n’a jamais pu avoir d’enfant. Et ce même si avoir une fille, et qui plus est une étrangère, est une charge pour elle et son mari mais elle est aussi un peu la fille d’Aelis qui n’a eu que des garçons. Avec eux elle est maintenant leur cousine, travaille et peine comme eux dans un pays où la faim rode, où le climat est hostile et la camarde en embuscade. Madelaine, c’est la révolte contre les les habitudes millénaires, contre le fatalismes des paysans, contre l’impunité des maîtres qui abusent de la vie de leurs sujets, leurs serfs. Par sa seule présence Madelaine va bousculer les traditions, les interdits millénaires et l’autorité des « Maîtres » mais sa ténacité, sa révolte ne sert qu’à créer un drame pour ces familles et à la maintenir dans sa solitude qui l’avale et avec elle le silence, le mensonge, l’injustice, l’oubli peut-être ? Elle retombera dans l’errance qui l’a amenée aux « Montées » même si elle a symbolisé un temps cette rébellion contre le sort fait aux paysans et spécialement aux femmes.
Le récit est haletant, les images sont alternativement poétiques mais aussi pathétiques pour évoquer la misère, l’agonie et la mort L’auteure réussit à s’attacher son lecteur grâce à son style à la fois attachant et émouvant.
Le livre refermé, j’ai eu l’impression d’avoir lu un conte noir, fictif mais vraisemblable qui évoque cette société figée où les paysans acceptent sans broncher leur destin. Apparaît une petite fille venue mystérieusement de nulle part qui va imposer sa présence et sa volonté peut-être utopique de changement, laisser sa marque qui finira à terme par changer ce monde. Je trouve plutôt bien que ce rôle soit tenu par une jeune femme, « l’avenir de l’homme » selon Aragon, qui ainsi sort de son rôle traditionnel et soumis.
Ce roman qui n’a pas obtenu le prix Goncourt s’est vu décerné, entre autres, celui des détenus. Je trouve que cette initiative de 2022 née sous impulsion des ministères de la justice et de la culture, avec la participation du Centre National du Livre et de l ‘académie Goncourt est une excellente initiative qu’il convient de saluer et de poursuivre.
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