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la feuille volante

LULU FEMME NUE – Étienne Davodeau

 

LULU FEMME NUE – Étienne Davodeau – Futuropolis (B.D.)

 

Les lecteurs friands de bandes dessinées pornographiques vont être déçus, le titre, même s'il invite aux fantasmes ne cache rien d'autre qu'une banale histoire, une tranche de vie d'une femme de quarante ans, mariée, mère de famille qui, après une longue période de chômage de plus de quinze années décide de se rendre à un entretien d'embauche à quelques dizaines de kilomètres de chez elle. Bien sûr, sans diplôme ni qualification, cela tourne court mais au lieu de rentrer directement chez elle, elle décide de s'octroyer une journée de liberté. Elle croise la route de Solange, une VRP qui l'invite à parler d'elle, ce qu'elle n'a encore jamais fait. C'est bien la première fois que quelqu'un s'intéresse à elle dont la vie, jusque là, se résumait à pas grand chose « J'ai parfois l'impression d'être presque une extension de la gazinière et du lave-linge », « ma vie ne me plaît pas, il ne se passe rien » avoue-telle. Poursuivant son projet de liberté temporaire, Lulu demande à Solange de l'emmener avec elle. Elle se retrouve donc au bord de la mer, en octobre, errant entre jetée et plage ou au hasard des rues, seule mais surtout ne cherchant pas à prévoir l’instant d’après, libre, apaisée, calme.

 

Elle s'est simplement contentée d'annoncer par téléphone à sa famille et à Cécile, son amie, sa petite escapade temporaire sans qu'elle sache vraiment combien de temps elle va durer. Chez elle, on s'inquiète, son mari, Tanguy, un être frustre, pas très fin et alcoolique qui commence à noyer son ennui dans la bière, ses deux fils, Morgane, sa fille de seize ans. Xavier, le mari de Cécile part à la recherche de Lulu. Pendant ce temps, notre aventurière rencontre Charles et en tombe amoureuse, décide de vivre avec lui quelques jours même s'il se révèle être un ancien taulard flanqué de ses deux frères, sorte de pieds nickelés marginaux, mais sympathiques et attachants. Xavier puis, à sa suite Margot et ses frères retrouvent Lulu mais décident de la laisser vivre cette passade. Elle repart donc à l'aventure, sur la route, sans argent et rencontre Marthe, une veuve solitaire mais philosophe qui lui offre son amitié et ses rillettes périmées contre la relation de son histoire et de ses journées désœuvrées. C'est un échange à la hauteur de cette histoire échevelée et même parfois un peu surréaliste mais peu importe, nous sommes dans une fiction, restons-y ! La vie s'écoule ainsi jusqu'à leur rencontre avec Virginie, une jeune serveuse de bar un peu paumée et exploitée par sa patronne. Un temps elle semble marcher avec ses deux comparses et veut tout envoyer par dessus les moulins mais finalement préfère son travail mal payé et précaire. Finalement tout rentrera dans l'ordre mais pas exactement comme avant, quand Lulu ne vivait que pour les autres.

 

Ce que je retiens de cette fable qui n'est peut-être pas si fictive que cela, c'est qu'elle est une illustration de ce « démon de midi » qui intervient dans chacune de nos vies, souvent sans prévenir et les illumine ou les pourrit, c'est selon. J'ai apprécié également l'humour subtil du texte et des dessins, le suspens qui irrigue tout ce récit puisque, au fil de cette lecture on ne peut pas ne pas penser que Lulu est morte à la suite de cette foucade. C'est en effet Xavier qui, au cours d'une nuit entre copains et à l'aide de bières, d'interrogations et d'états d'âme fait la relation de cette aventure de Lulu. Cela ressemble à une veillée funèbre. Ce n'en est pas une, quoique !

J'observe aussi que c'est la parole qui a pris le dessus sur le gris de la vie de Lulu et de Marthe. La couleur justement, elle varie entre la grisaille et le sépia, le bleu étant réservé au ciel et à la mer, symbole de cette liberté que le bord de la mer souligne et que Lulu attendait peut-être depuis longtemps sans oser sauter le pas. Pendant ces dix neuf jours qu'a duré son escapade, cette femme pas vraiment belle, mal habillée et pas sexy du tout a été elle-même pour finalement revenir au bercail entre enfants, mari et quotidien ménager. En fait de nudité, elle est beaucoup plus morale que physique et on imagine la vie future de Lulu, même dans son quotidien familial qui ne sera plus vraiment pareil après cette fugue.

 

Je ne suis pas familier des bandes dessinées mais là, j'ai bien aimé et cela a consisté pour moi en un bon moment le lecture, plein d'émotion, de tendresse, d'humanité.

 

© Hervé GAUTIER - Septembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

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