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la feuille volante

La femme paradis

N°1815 – Janvier 2024.

 

La femme paradis – Pierre Chavagné – Le mot et le reste.

 

Titre assez étrange qui peut donner lieu à des interprétations nombreuses et bien différentes, et pourtant ! En réalité c’est le récit d’une femme qui, volontairement s’est retirée du monde, de la civilisation, de l’amour, de ses études et depuis de nombreuses années s’est réfugiée au cœur d’une forêt. L’obligation de survivre lui fait découvrir le monde sauvage et ses régles, peut-être aussi dures que celles du monde qu’elle a choisi de fuir mais auxquelles elle s‘adapte en donnant à sa vie un mode spartiate, solitaire, indépendant . Elle s’est coupée du monde corrompu et violent mais garde un œil sur lui, par méfiance, pour sa sécurité mais son vrai lien avec lui se fait à travers la lecture. Parfois on sent des regrets et quand elle croise un humain qui pourrait empiéter sur son territoire, elle l’élimine. Cette remise en question sonne comme une contestation, comme une libération d’elle-même qui lui convient, malgré la trace de Pierre qui a partagé sa vie et qu’elle croit mort lors d’une insurrection meurtrière. A-t-elle un compte à régler avec les hommes devenus pour elle des proies ? Elle souhaite tourner la page de sa vie antérieure, de cette vie en société, de ses souvenirs, pour renaître dans la forêt dont elle adopte le rythme de vie, le langage, s’exprime comme elle par des cris qui ont pris dans sa bouche la place des mots que pourtant elle pratique sous la forme de l’écriture qui est l’apanage des solitaires. Avec elle, elle souhaite marquer ainsi son passage sur terre. Ses mots ont des accents d’aphorismes à la fois définitifs et ultimes. Elle prend conscience qu’elle est un être violent et meurtrier qui s’arroge le droit de disposer de la vie d’autrui, cette vie qui tient finalement à bien peu de chose. Elle se rend compte que certes la société qu’elle a quittée est une prison qu’il lui arrive de regretter par moments quand sa mémoire se peuple de l’image des siens, mais celle qu’elle a conçue autour d’elle présente beaucoup de similitudes avec celle qu’elle a choisi d’abandonner. Alors, retour à la nature, pourquoi pas surtout face à une société qui chaque jour davantage se délite, une vie qui vous échappe, des souvenirs qui vous assaillent au point de devenir des obsessions insupportables. La réalité se rappelle à elle sous la forme d’une détonation, trahissant une présence humaine qui menace le microcosme qu’elle a crée autour d’elle mais qu’elle ne parvient pas à trouver.

Le texte alterne ses propres remarques et pensées, ses regrets et les descriptions, poétiques, ses émotions et le récit du narrateur, plus descriptif .

On lit rarement les « remerciements » de l’auteur à tous ceux qui lui ont accordé leur attention, leur confiance, leur amitié pour que naisse ce livre. Je choisis d’en retenir les premières lignes, celles qui parlent de la genèse de l’écriture, de l’inspiration dont on ne sait jamais d’où elle vient et à qui on la doit, « l’imagination (qui) a ses mystères qu’il convient de chérir et de préserver ». Pourtant, le livre refermé, je prends conscience que j’ai mené cette lecture avec intérêt, dans l’attente de l’épilogue mais que, nonobstant le style de son auteur, fluide, poétique dans ses descriptions et agréable à lire, il m’a surtout inspiré de l’angoisse.

 
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