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la feuille volante

COUP D'ÉTAT - Pierre Moinot

 

N°445 - Août 2010

COUP D'ÉTAT – Pierre Moinot - Éditions Gallimard.

 

Nous sommes en 1851 et le Prince Président, bien qu'ayant juré de défendre la Constitution, se prépare à la déchirer et devenir Napoléon III. Ayant obtenu les pleins pouvoirs, il se met en devoir de pourchasser et d'éliminer physiquement tous ceux qui ne partagent pas ses idées et ses projets, c'est à dire les républicains.

 

Dans un petit village du mellois, près de Niort, Paul Méhus, veuf de Laure qui éclaira sa vie, vétérinaire, proche du peuple, créateur de nombreuses sociétés d'entraide, mais aussi chef politique local apprécié et fervent républicain va devenir le gibier de cette chasse à l'homme. Des listes d'opposants sont dressées et son nom y figure. Il suffit d'ailleurs de peu de choses pour être recherché et traqué. Dans ce Bas-Poitou, nous sommes en pays protestant, rude et austère, encore tout meurtri par les dragonnades, un siècle et demi plus tôt. On ne s'endort jamais ici sans avoir dit ses prières et surtout on ne transige ni sur les idées ni sur l'honneur!

 

Naturellement, devant cet assassinat de la liberté, partout en France et dans la capitale, des hommes vont lutter pour le triomphe de la démocratie. Méhus songe à un soulèvement à Niort, mais le coup semble perdu d'avance. Comme toujours en pareil cas des traitres se révèlent mais aussi des amitiés, des fraternités se créent, nourries par le même idéal. Méhus, trahis et blessé devra fuir la plaine du mellois et trouvera refuge dans le Marais. Même s'il est catholique, c'est un refuge sûr pour ceux qui fuient quelque chose ou quelqu'un. De tout temps, dans ce pays où la terre et l'eau s'entremêlent, on parle peu et on n'aime guère les gendarmes et l'autorité. Il y sera en sécurité et trouvera, sous les traits de Madeleine, à la fois une infirmière attentive et les prémices d'un amour naissant qui lui rappela Laure et s'harmonisera avec le paysage ambiant, lui procurant une sorte de paix intérieure. Rêve et action se conjuguent dans ce roman inspiré par la phrase de Baudelaire citée en exergue.

 

Cet ouvrage tranche un peu sur les habituels thèmes traités par Pierre Moinot mais j'ai retrouvé avec bonheur son style extraordinairement pur et poétique, plein de descriptions et d'évocations de cette terre qu'il aimait tant et qu'il a si bien su faire vivre pour son lecteur. Ce récit est plein d'images apaisantes comme le sont celles qu'on rencontre dans ce qu'on nomme maintenant « La Venise Verte » : « Il tourna dans un chemin d'eau plus étroit bordé de vergnes qu'ils appelaient une conche, puis dans une autre et du coup Méhus sentit qu'entrait en lui un grand silence peuplé de petits bruits lointains et du doux glissement de l'eau sous lui, la lumière mouillée de l'hiver, une paix d'un autre monde. Au passage des bas-fonds, Riffaut changeait sa pelle pour une longue perche ferrée qu'il appelait la pigouille et qui, lorsqu'il pesait sur elle de tout son poids faisait relever le nez du bateau. »

 

Ce fut, comme à chaque fois, un bon moment de lecture.

 

© Hervé GAUTIER – Août 2010.http://hervegautier.e-monsite.com

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