la feuille volante

LE MATIN VIENT ET AUSSI LA NUIT – Pierre Moinot

 

N°443– Août 2010



LE MATIN VIENT ET AUSSI LA NUIT – Pierre Minot - Éditions Gallimard.

 

 

Qu'annonce le titre de ce roman qui s'inspire d'un verset biblique? Qu'y a t-il de commun entre ces personnages si différents les uns des autres? Maria la vieille servante qui pour la première fois accepte de parler de sa vie et de son unique et merveilleux amour qui l'a illuminée, Adrien, enfant de l'Assistance Publique qui s'enthousiasme pour la lecture, s'émerveille de la vie qui l'entoure mais fait une étrange découverte qui bouleverse son quotidien, Fernand et Clémence, un couple de paysans qui l'ont recueilli mais pour qui la vie commune n'est devenue supportable qu'en silence, Zacharie, le menuisier qui va devoir fabriquer deux cercueils parce que, dans la campagne, on vient de découvrir deux cadavres et qu'il s'agit de deux assassinats..., Malvina et Émile, ce couple aux semelles de vent qui gardera secret ce qu'ils ont vu, le confiant seulement et à demi-mots à Lortier qui va mener une enquête discrète et brouiller un peu les pistes sur ces deux meurtres parce qu'il ne conçoit pas que son pays puisse donner asile à un meurtrier mais ne veut pas non plus qu'un enfant paie pour ses peurs... Lui-même qui, tout au long de sa vie a couru et déchiffré le monde comme archéologue a fini par admettre que ce qu'il a toujours cherché se trouvait là, dans le simple village poitevin comme dans l'amour qu'il porte à sa femme...

L'auteur nous offre donc un texte avec, comme en contre-point, une énigme policière qui prend corps à la fin avec un suspense savamment distillé, mais surtout qui est écrit comme un véritable roman!

 

Les hommes et les femmes, quelle que soit leur place dans la société, se côtoient dans ce village poitevin du milieu du siècle dernier, y mènent une vie simple, sans artifice. Ils appartiennent tous à la condition humaine et sont donc tous assujettis à la fuite du temps qui vous pousse vers la mort ou vous sort de l'enfance, au vieillissement et vers cette fin tant redoutée dont on ne parle pas mais qu'il faut quand même accepter. Il évoque aussi l'enfance, la solitude et le secret, la crainte de la faute et la peur du monde des adultes, le poids de la culpabilité que la jeunesse amplifie. Ce sont tous des humains et, à ce titre, incarnent eux aussi, de génération en génération, et dans ce même décor familier, la cohabitation du bien et du mal.

 

La lecture de ce roman a révélé un écrivain qui manie avec bonheur notre belle langue française, la fait chanter avec justesse et simplicité, n'oublie rien des gestes ancestraux, des superstitions, des rites et des coutumes parfois incantatoires de ces paysans ni des légendes que ce Poitou a su faire naître ou accueillir. Les histoires qu'il conte non seulement s'inscrivent dans le terroir d'une enfance paysanne qu'il ne renie pas mais la nature qui l'inspire et qu'il sait si bien décrire baigne cette écriture d'une clarté apaisante, la peuple d'images à la fois évocatrices et poétiques. Ses mots tressent un univers qui ne peut laisser indifférent un lecteur attentif peu à peu gagné par la beauté des paysages suggérés et sa phrase est superbe...

 

Je dois bien avouer qu'avant que le hasard ne m'invite à croiser les ouvrages de Pierre Moinot, cet auteur n'était pour moi qu'un nom, celui d'un écrivain peut-être injustement méconnu!

 

Cela a été un moment exceptionnel de lecture que je n'ai pas regretté!

 

 

 

© Hervé GAUTIER – Août 2010.http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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