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la feuille volante

Les bâtisseurs d'empire

N°1798– Novembre 2023

 

Les bâtisseurs d’empire – Boris Vian – Éditions l’Arche.

 

La scène se passe dans une pièce sans originalité meublée sommairement, entre deux étages où vit une famille avec une domestique et un être indéterminé, blessé (le schmürz) entouré de bandages et de loques, toujours dans un coin et qui est en permanence frappé par eux et même par le voisin. Apparemment les parents ont des pertes de mémoire à propos seulement de leur passé immédiat et la famille a récemment déménagé pour un appartement plus petit à cause d’un bruit étrange et inconnu qui peut être dû à la guerre ou à un désordre social. La fille regrette le précédent logement et tout ce qu’on y a oublié ou peut-être tout ce que les événements de leur vie leur ont fait perdre

Cette pièce de théâtre en trois actes n’est pas l’œuvre la plus connue de Boris Vian célèbre surtout pour ses romans. Elle a été écrite en 1959 c’est à dire l’année de sa mort. Il y a beaucoup de recherche de vocabulaire, je choisi d’y voir une quête de la perfection cependant jamais atteinte à cause du temps qui passe du vieillissement et de la perte des facultés. Quant au bruit, pas entendu par tout le monde, j’y vois des idées fixes, des obsessions propres à chacun. Le personnage du schmürz me paraît est à la fois énigmatique et révélateur, souffre-douleurs de chacun, considéré comme responsable des maux des autres parce qu’il faut bien en trouver un mais aussi personnage sans aucune importance qu’on se croit autorisé à maltraiter parce qu’il est différent et ne représente rien. C’est à la fois irrationnel, parfaitement en phase avec la nature humaine, mais ça marche toujours, racisme ordinaire qui masque mal la solitude ou volonté de s’affirmer soi-même en faisant le mal autour de soi ? Le schmüz peut être l’étranger, l’immigré (nous sommes dans les Trente glorieuses) qui va servir d’exutoire, incapable de se défendre parce qu’il sait qu’il n’est pas chez lui et d’une manière générale celui qu’on n’aime pas, qu’on méprise , l’inférieur, parce qu’il n’a pas le même niveau social, financier ou culturel que nous et qui, à ce titre, mérite notre haine. Avec le recul, cela me paraît être prémonitoire d’une société qui a perdu ses repères qui court après un progrès destructeur et qui ne génère que de la solitude, de la souffrance.

Boris Vian est l’un des écrivains majeurs du XX° siècle, malheureusement un peu oublié. J’ai toujours aimé son humour, sa sensibilité, son désespoir.

 
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