la feuille volante

FABLE D'AMOUR

N°993– Novembre 2015

 

FABLE D'AMOUR Antonio Moresco- Éditions Verdier.

Traduit de l'italien par Laurent Lombard.

 

Comme le titre l'indique, c'est une fable, il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu’elle commence par la traditionnelle formule qui fait toujours rêver « Il était une fois »…Il y est question d'un clochard, Antonio, un de ces hommes sans visage qui tendent la main et dont on évite de croiser le regard dans la rue. Son seul ami est un pigeon blessé qui servira de passeur dans cette histoire et avec lequel il partage sa maigre pitance glanée dans les poubelles de la ville. Ils ne parlent pas le même langage mais ils se comprennent. Comme dans toute les fables il y a du merveilleux et celui-ci a le visage d'une jeune fille, Rosa, qui l'arrache sans raison à l'enfer de la rue, change sa vie et devient son amante. Elle est aussi belle qu'il est laid, aussi resplendissante qu'il est transparent. Bref, ils ne se ressemblent pas. Alors pourquoi lui et pour quelle raison sa vie change-t-elle ainsi du jour au lendemain, la fable ne le dit pas. Veut-elle faire une bonne action, vivre un rêve personnel, s'acheter une bonne conscience ou est-elle à ce point possédée par cette culpabilité judéo-chrétienne qui inspire souvent nombre de nos actions ? Ce qu'elle dit en revanche c'est que la chance tourne pour Antonio et sans plus de raison qu'avant, Rosa se désintéresse soudain de lui, le précipite dans sa vie d'avant faite de peur, de faim, d'insécurité. Il s'ensuit sous la plume de l'auteur une violente diatribe contre les femmes, leur inconstance, leurs fourberies, leurs trahisons mais aussi contre les hommes, leur suffisance, leur naïveté, bref contre la nature humaine qui ne vaut décidément pas cher, capable de tout détruire autour d'elle et même l'amitié comme l'amour ne résistent pas à ses attaques. Toutes ces grandes idées généreuses et altruistes ne pèsent pas bien lourd, ne sont que du vent et Antonio prend soudain conscience de cette cruauté. Pourquoi fait-on ce qu'on regrette ensuite, comment change -t-on au point de devenir quelqu'un d'autre que soi-même on ne reconnaît plus ?

 

C'est un conte semblable à celui de notre enfance, un conte de fée, celui du Prince Charmant et de la petite mendiante qui l'épouse, ils s’aiment, sont heureux et ont beaucoup d'enfants selon la formule consacrée, sauf que là les rôles sont inversés, comme si cela était la prise en compte du changement de la société et que ce texte s'adresse aux adultes. Comme nous sommes dans le domaine du merveilleux, l'auteur nous fait voyager au-delà de la vie. Pourquoi pas ?

 

Le livre refermé qu'en reste-t-il ? Comme celles de La Fontaine, cette fable a une morale, cette histoire se termine bien et l'auteur tient a son « happy end ». Ce que je retiens cependant, c'est cette image de la nature humaine, capable du meilleur comme du pire, surtout du pire, qu'il ne faut se fier ni aux apparences ni aux certitudes, que l'homme est un prédateur pour ses semblables, que l'amour n'existe pas, que tout ce décor qu'on voudrait idyllique n'est qu'une illusion, qu'il n'y a pas de havre de paix, même dans la mort, que Dieu n'existe pas davantage que les hommes généreux, qu'il n'y a pas de paradis, que l'enfer est ici, qu'il n'y a rien à espérer que la solitude et que la mort. Bien sûr, cela se termine bien sinon ça ne serait pas une fable sans cela, mais ça ne me fera pas changer d'avis sur la nature humaine. Face aux réalités de cette vie, j'aime bien me réfugier dans les livres pour voir le monde autrement, même si l'image qu'ils en donnent n'est pas la bonne, mais là j'ai quand même été un peu déçu.

 

Hervé GAUTIER – Novembre 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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