la feuille volante

Boccace

  • Décaméron

    N°1790– Novembre 2023

     

    Décaméron – Neuf nouvelles d’amour – Boccace -Gallimard.

    Version bilingue traduite de l‘italien par Serge Stolf.

     

    C’est un recueil de neuf nouvelles d’amour écrites pendant la peste à Florence de 1349 à 1353. Dix jeunes gens se réfugient à la campagne et pour le plaisir inventent chacun un récit par jour. Cela donne 10 histoires pendant 10 jours d’où le titre grec de « Décaméron ». Ce recueil choisit le thème de l’amour. Ces amours sont heureuses, tragiques, humoristiques, émouvantes, contrariées ou insatisfaites. Chaque histoire met en scène des personnages réels mêlés à d’autres imaginés par l’auteur. Chaque texte évoque une facette de l’espèce humaine, la relation entre les hommes, entre fidélité, confiance et trahison, violence, adultère, manœuvres de séduction visant à circonvenir l’amoureux transi, sensualité… c’est à dire l’amour humain, à l’exclusion cependant de l’amour de Dieu. Les femmes à qui ces textes sont dédiés sont présentées comme actrices de leur bonheur mais bien plus souvent comme des victimes face à l’intransigeance et au pouvoir des hommes et de la hiérarchie sociale, au poids de l’Église qui les maintenaient en état d’infériorité. Cet amour, partagé ou non, est parfois sensuel et même en dehors de toute culpabilité. Il est aussi idéalisé, au point que, s’il s’avère impossible, que les parents s’y opposent ou avaient prévu une autre union, seule la mort peut unir les deux amants. Sous la plume de Boccace, les femmes ne sont plus seulement destinées à se marier, à enfanter, à prier et à tenir une maison mais aussi font prévaloir leur envie de jouir de la vie. Ces nouvelles parlent de la séduction au service d’une cause, d’une idée, d’un projet de vie ou d’un caprice passager, de la volonté de faire prévaloir l’amour et son pouvoir sur les hommes avec parfois une fin moralisatrice que n’aurait pas renié La Fontaine. Il y a ce côté mystérieux et aussi fou qui souvent prévaut dans l’amour et qui attache entre eux un homme et une femme sans qu’ils y puissent rien.

    Les textes, écrits en italien et non en latin comme c’était le cas à l’époque, comporteent des allusions érotiques voire grivoises qui en font également l’intérêt mais sont aussi la marque d’une volonté de profiter de la vie comme un bien précieux, menacé en permanence par les guerres ou les épidémies.

     

    La nouvelle est un genre littéraire, bref et en prose, tout à fait nouveau à cette époque, qui tranche sur les pièces de littérature médiévale, souvent didactiques et en vers mettant en scène des aristocrates. Elle a connu un essor au XV et XVI siècle en Italie, jusqu’à nos jours. Elle met en œuvre l’oralité, le dialogue entre les personnages choisis non plus dans la noblesse mais dans la bourgeoisie et le peuple des villes et montre le monde tel qu’il est.