la feuille volante

Christian Carayon

  • Comment va la nuit?

    N°1809 – Décembre 2023.

     

    Comment va la nuit ? - Christian Carayon – Éditions Hervé Chopin.

     

    Dans ce coin perdu de Savoie, Anthony va mourir, seul. Lui, l’ex-avocat, brillant et idéaliste, volontiers défenseur des causes perdues, devenu dans ces montagnes un marginal taiseux, sauvage et parfois bagarreur qui a mis fin à une longue errance, est pour les gens d’ici un mystère. Un emploi dans le gîte voisin de Caroline lui permet de survivre et d’apprivoiser ses fantômes, surtout des femmes.. Arrive Victoria, une jeune infirmière et leur amitié met du temps à se tricoter, pourtant leurs parcours ont des points communs, cahoteux. Chacun vient vers l’autre et en parle, mais avec parcimonie, comme pour exorciser un mal, un échec. Dès lors la différence d’âge n’existe plus, seule persiste la crainte de voir l’autre souffrir et peut-être disparaître.

    Pourtant, c’est plutôt la vie d’Anthony qui nous est offerte, difficile, pleine d’un idéal qui va finalement la détruire à petit feu, victime d’une enfance difficile, capable de vouloir retrouver un amour de jeunesse dans l’impossible espoir de le raviver. Adolescent, il a de l’amour une notion romantique, à cent lieues de celle des garçons de son âge et les rapports qu’il peut avoir avec ses semblables se transforment souvent en fiasco. Il va se muer en redresseur de torts, volontiers protecteur de Victoria, pour lui permettre d’échapper à l’injustice qui la menace, sans qu’elle ne lui demande rien et sans rien exiger d’elle en retour. Ce que je retiens au terme de ces trois cents pages, c’est la solitude de cet homme, perdu dans une société où il n’a pas sa place, dont la vraie nature lui échappe, où il tente, parfois maladroitement, d’imprimer sa marque et ses désillusions face à une espèce humaine qu’il ne comprends pas et qui le rejette. Avec au bout la mort comme une délivrance. Les citations de Henry David Thoreau viennent à propos inspirer ce livre.

    Cela m’arrive rarement, mais parfois la lecture d’un roman évoque d’elle-même un tableau, un air de musique… Ici, au fur et à mesure de la découverte des différents chapitres, se sont imposées les notes de la symphonie du destin de Beethoven, cette sorte de certitude que notre vie est toute tracée sans qu’il nous soit possible, malgré toute notre bonne volontés, d’en modifier le cours et que les événements nous arrivent s’imposent à nous, sans que nous y puissions rien, chance ou malchance, au point ne voir en elle qu’une partition écrite à l’avance, incontournable. Je vois dans le titre qui s’inspire d’une réplique de Macbeth une confirmation de cette intuition.

    J’ai eu plaisir à découvrir ce roman qui ne s’annonce pas ainsi, bien écrit et facile à lire, poétique et émouvant par moments. Mais pourquoi avoir commencé cette histoire par la fin ?