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la feuille volante

DERAPAGES

N°905– Mai 2015

DERAPAGES . Danielle Thiéry - Versilio.

Tout d'abord une information comme les médias en diffusent chaque jour au point d'en devenir banale : on a découvert un corps sur la plage de Berck et la police hésite entre accident de baignade et acte criminel. Edwige Marion, commissaire parisien, à qui on attribué l'affaire de préférence aux policiers locaux, enquête sur place et l'autopsie révèle que la victime est une femme entre 50 et 60 ans mais qui a les apparences d'une enfant ! A cette occasion, Edwige a au moins l'occasion de retrouver Olivier Martin, le médecin légiste qu'elle a connu dans une autre vie. Au cours de cette enquête, d'anciens couples se reformeront ainsi, d'autres liens se tisseront… Au même moment, elle récupère sa fille adoptive, Nina, choquée, mutique et couverte d'un sang qui n'est pas le sien et qui a mystérieusement voyagé depuis Londres en Eurostar. Elle vivait chez sa sœur aînée qui, avec son mari, Sasha Azonov, spécialiste du génome humain, ont disparu.

Au même moment à Paris, une femme, Jennifer, est victime d'un accrochage avec sa voiture et on lui vole son bébé de 4 mois en le remplaçant par une jeune fille à l’apparence d'un vieillard, lui conseillant de ne pas appeler la police. Elle a l’impression d'être tombée dans un traquenard d'autant plus surréaliste que, lorsque la télévision a révélé le visage du cadavre de Berck, elle a eu la certitude de la connaître ! Son mari, un autre Sasha a également disparu !

A priori, il n'y a pas de lien entre ce qui peut être un assassinat et cet enlèvement d'enfant, non plus d’ailleurs qu’entre ces différentes disparitions. Tel est le point de départ d'une enquête où le mystère s'épaissit à chaque page, avec des cadavres qui disparaissent, des pièces à conviction qui sont subtilisées, des accidents, des voitures qui brûlent, une façon d’opérer de la part des voyous vraiment peu commune et qui s’apparente à des pratiques mafieuses, une mystérieuse boucle d'oreille, une friche industrielle déserte, des investigations hasardeuses qui ne débouchent sur rien de concret et qui procurent davantage d'interrogations que de certitudes, des enlèvements, des disparitions, un imbroglio de sociétés-écrans à l'international, des recherches bien mystérieuses sur la génétique… Bref une histoire un peu compliquée, sur fond d'ADN, où la manifestation de la vérité devient de plus en plus problématique et qui met en scène la recherche de l'éternelle jeunesse, celle de la notoriété et de l’appât du gain, du refus de la mort, si chères à la condition humaine sans pour autant qu'on se soucie des conséquences. On ne nous épargne pas non plus l'espionnage systématique d'autant que la DGSI est partie prenante dans cette affaire, les coïncidences troublantes et les divers rebondissements qui, pour la commissaire et son équipe s'accumulent et où le lecteur se perd un peu d'autant qu'il voyage constamment de Paris(l'incontournable 36 quai des Orfèvres, mais pas seulement) à Nanterre, à Saint-Denis, en Russie…, à la recherche de cet énigmatique Sasha aux multiples visages et à l'accent slave. On n'échappe pas non plus au traditionnel alcoolisme des policiers, à leur langage argotique, à l'évocation très « british » du collègue anglais du commissaire Marion, aux inévitables marques de condescendance hiérarchique entre collègues, à l'incontournable enterrement d'un policier mort en service et des paroles creuses qu'on peut dire devant son cercueil !

Les chapitres sont courts et se lisent facilement, comme ceux d'un thriller. Le texte fourmille de détails, de remarques sur fond de guerre des services, de manipulations diverses, d'antagonismes police-justice, de blocages de la part de la hiérarchie attachée aux faits et imperméable aux élucubrations des psy et autres nouveaux venus, des lourdeurs administratives, des inévitables« dérapages » en marge de la procédure et donc de la légalité, les obstructions des ambassades, toutes choses qui ne peuvent émaner que d'un policier ; Danielle Thiéry fait ici honneur à son ancien métier de commissaire divisionnaire. J'ai eu un peu de mal au début à entrer dans cette histoire embrouillée, mais je dois dire que, au fil des pages, l'auteure s'attache son lecteur avec un réel sens du suspense et j'ai vraiment eu envie de connaître l'épilogue. Je ne suis pas un spécialiste de la générique mais j'ai apprécié les informations que comporte ce roman autant que le parti-pris de l'intrigue qui transforme les humains esclaves ou en cobayes. Cela montre le sérieux de sa documentation et la pertinence du scénario. Quant à Nina, la fille du commissaire, elle entre à cette occasion dans l'âge adulte par la grande porte mais veut, de toutes ses forces, garder ses illusions d’adolescent. J'ai fait allusion tout à l'heure au passé professionnel de l'auteure. J'espère, comme l'indique la note de fin, que cette affaire est effectivement née dans son imagination féconde et n'est pas inspirée par la réalité.

J'avoue que je ne connaissais pas cette auteure jusqu'à ce que les éditions Versilio m'envoient cet ouvrage, ce dont je les remercie. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas été déçu par ce moment de lecture et j'ai bien envie d'explorer le reste de l’œuvre de Danielle Thiéry.

©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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