la feuille volante

Le nouveaux carnets du major Thompson

N° 1565 - Juillet 2021

 

Les nouveaux carnets du major Thompson – Pierre Daninos – Hachette.

 

Cet ouvrage date de 1973, soit vingt ans après les premiers « carnets », est toujours censé être écrit par notre Major, traduit par Pierre Daninos et débute son propos en comparant la France à une femme. Le mot est certes du genre féminin mais remarquons quand même que la République qui est son régime favori est incarnée par Marianne dont le buste trône dans chaque mairie mais, si c’est indubitablement le pays de la galanterie, on renâcle toujours à confier le pouvoir aux femmes. De même, quand la disparition d’un grand homme affecte la France, elle est veuve et il faut admettre que son histoire guerrière et colonisatrice lui réserve bien des occasions de déplorer la perte d’un de ses dirigeants. C’est après le référendum qui le désavoua que, fatigué ou désabusé, le Général de Gaulle préféra tenir sa parole de retrait, et même si cette fin avait quelque chose d’amer, on peut toujours trouver une certaine grandeur dans une sortie ! Le plus étonnant est sans doute de lire sous la plume du major un hommage à notre ancien Président qui certes a été l’hôte de l’Angleterre pendant la guerre et l’âme de la Résistance, mais que les Anglais n’aimaient guère. Ils n’aiment pas beaucoup les Français non plus et ces derniers le leur rendent bien.

Pourtant le regard mi-amusé, mi sarcastique que porte cet ancien officier de l’armée des Indes sur notre peuple est-il souvent frappé au coin du bon sens même s’il n’est pas forcément drôle de s’entendre dire des vérités premières peu flatteuses. Le major noircit quelque peu le trait quand il parle des Français, mais au moins je trouve rassurant de savoir que nous ne sommes pas parfaits si toutefois la perfection existe en ce bas monde. Après l’épisode gaullien qui avait pour but de nous faire croire que la France était un grand pays au motif que son Président était universellement connu et respecté, les choses sont revenues à leur vraie place, celle d’une nation moyenne qui parfois peine à se faire entendre, qui vit un peu trop sur sa grandeur passée, qui a sur le plan international des attitudes à géométrie variable dans les soutiens qu’elle accorde souvent par intérêt à des régimes autoritaires qu’on ne voudrait pas sur notre territoire. Quant à donner des leçons, de démocratie par exemple ( mais aussi de morale ce qui est également rassurant), il y aura toujours du monde en France.

Notre Major porte sur notre pays un regard géopolitique acerbe et je dois bien dire que j’ai beaucoup moins souri à la lecture de ces derniers carnets qu’à celle des précédents, non que l’humour tout britannique en soit absent mais j’y ai trouvé un petit quelque chose de différent, une ambiance moins légère, peut-être aussi parce qu’à travers le Français dont il fait l’inventaire de ses petits travers et même de ses vertiges métaphysiques, de sa façon de s’exprimer, il parle un peu de l’espèce humaine. Cela va parfois jusqu’au règlement de compte à fleurets mouchetés comme on dit, mais quand même !

 

Ce livre a été écrit à l’aube des années 70 , Daninos n’est plu (disparu en 2005) et donc son major non plus, mais je me demande ce qu’il dirait du paysage politique français d’aujourd’hui, avec ces quinquennats manqués, ces crises sociales, constitutionnelles, réformatrices et sanitaires difficiles à gérer, de la pandémie, de ces affaires et de ces scandales dont certains sont encore pendants et le resteront sûrement encore longtemps, sans parler des attentas terroristes et du retrait de la Grande Bretagne du Marché Commun. Cela lui donnerait des biscuits, du grain à moudre comme on dit et même si les humoristes d’aujourd’hui ont la dent beaucoup plus dure, l’humour plus caustique, j’ai retrouvé avec plaisir Pierre Daninos et son Major.

Il promène son œil critique sur ses voisins d’outre-manche et constate que vingt ans après rien n’a vraiment changé. Nous restons quant à nous franchouillards et les Anglais gardent leur thé, leur pelouse, leur brouillard et leur cricket dont seul un britannique peut comprendre les règles . D’ailleurs le contraire eût été étonnant !

 

 
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