Fêtes galantes
- Par hervegautier
- Le 18/04/2020
- Dans Paul Verlaine
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N° 1459- Avril 2020.
Fêtes galantes. Paul Verlaine.
C’est le deuxième recueil officiel de Verlaine (1844-1896) publié en 1869 chez Lemerre à compte d’auteur. Il y aura trois autres rééditions chez Vanier en 1886, 1891 et 1896. Il n’a rencontré que peu d’écho dans le public comme beaucoup de ses écrits, à sa publication initiale, même si dans les dernières années de sa vie, cet ouvrages sera considéré comme son meilleur et que Claude Debussy mettra en musique certains textes. Il fait suite aux « Poèmes saturniens » datés de 1866, déjà empreints de mélancolie et de malheur et à une autre plaquette « Les amies » publiée en 1867 sous le pseudonyme de Pablo-Maria de Herňales et qui traite des amours saphiques. L’ambiance générale de cet ouvrage fait un peu illusion. Elle est légère, raffinée, inspirée par les toiles de Watteau qui font l’objet une exposition au Louvre, et qui sont à la mode à cette époque dans la bonne société. Les scènes sont bucoliques ou galantes et insouciantes comme dans une Cour royale où l’ont pratique le badinage amoureux. Apparemment Verlaine, en voulant ici évoquer le XVIII° siècle, a souhaité accompagner l’engouement général du public pour cette période et la Cour impériale avait presque officiellement consacré ce style. D’autres poètes contemporains ont d’ailleurs fait de même, mettant à l’honneur la poésie et la comédie italiennes.
L’ambiance générale du recueil est légère. Ce sont vingt-deux poèmes à la métrique variée et rapide avec des strophes courtes, écrits dans une langue simple et qui évoquent la futilité et la désinvolture des scènes. Certains personnages, Colombine, Pierrot et Arlequin(« Pantomime », « Colombine »), rappellent la Commedia dell’arte et dans ce contexte des plaisirs amoureux, les hommes et les femmes jouent le jeu de la séduction, qui n’est qu’un jeu frivole et même sensuel, puis passent à autre chose avec silence, oubli et inconstance comme dans le théâtre de Marivaux. C’est un univers précieux et superficiel où l’on rencontre un abbé galant, un marquis à la perruque de travers, des femmes déguisées en bergères (« Sur l’herbe »). Verlaine évoque même quelques souvenirs personnels (« En bateau »), c’est ainsi que « Lettre » semble s’adresser à Mme de Villard en des termes convenus et quelque peu artificiellement précieux. L’ambiance est insouciante ainsi qu’il convient à cette société, même si, à bien y regarder, il y a une sorte d’impression de l’échec amoureux (« l’amour par terre »), de la mélancolie derrière un masque rieur(« Claire de lune ») et il est difficile de ne pas voir l’émotion à peine voilée de Verlaine qui évoque Élisa et leur funeste destin commun (« A Clymène », « Colloque sentimental ») et son obsession de la mort. Il semble avoir voulu exorciser son désespoir dans le souvenir confié l’écriture poétique (« Dans la grotte »).
C’est un recueil d’inspiration parnassienne, c’est à dire rejetant le lyrisme sentimental du romantisme, privilégiant l’impersonnalité par le refus du « je », mettant en exergue la théorie de « l’art pour l’art », refusant le présent et l’engagement politique pour se réfugier dans le passé (« Claire de lune », »Mandoline »).
Et pourtant malgré tout ce décor patiemment tissé par l’auteur, ce dernier est dans une phase difficile. Son père est mort en 1865, Élisa, la cousine élevée par les Verlaine et dont était follement mais platoniquement amoureux, s’est mariée en 1861 et meurt en couches en 1867 ; l’absinthe est déjà entrée dans sa vie et fait de lui un être violent qui s’attaque à sa mère qui pourtant l’a soutenu toute sa vie. Il n’a peut-être pas encore rencontré Mathilde qui deviendra son éphémère épouse. Pourtant, malgré les critiques parfois dithyrambiques de certains de ses amis, le recueil n’a pas vraiment été un succès à sa sortie.
C’est donc un recueil à la double inspiration, parnassienne et personnelle où son auteur s’exprime comme on le fait à cette époque friande de légèreté mais dévoile à la fois ses sentiments de tristesse, ses vers impairs et leur musique si caractéristique.
©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com
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