La sieste assassinée
- Par hervegautier
- Le 15/11/2016
- Dans Philippe DELERM
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La Feuille Volante n° 1088
La sieste assassinée – Philippe Delerm – Gallimard..
Philippe Delerm c'est le chantre du quotidien, le témoin de l'instant, des sensations, des impressions, des choses sans importance qui rythment notre journée ou notre vie, celle des quidams, des petits, des « sans grade ». C'est banal, c'est léger, sans grande importance et répétitif aussi, la sonnerie du téléphone, la poubelle qu'il faut descendre, la séance chez le coiffeur… Des petits moments de plaisirs, les pieds nus dans l'herbe, une douche dans la touffeur de l'été, le farniente de la plage et les châteaux de sable… Cela nous touchent, forcément, parce nous l'avons éprouvé, parce que cela nous dit quelque chose, même si on peut être étonné que cela fasse l'objet de mots écrits et publiés sur les pages d'un livre.
C'est ce que certains écrivains ont voulu faire, écrire la vie telle qu'elle est, pas celle éthérée des intellectuels, publiques des artistes du show-biz ou hypocrite des politiques, non celle de ceux dont on ne parle jamais. Ce sont des remarques, parfois acerbes, que lui inspirent ceux qui l'entourent, des impressions fugaces et c'est un simple stylo qui fuit et ainsi vous rappelle votre enfance, sur les bancs de la classe ou la puérilité des jeux qui ne se concevaient qu'au « conditionnel-sésame » (« on dirait que j'aurais fait ...» ) que l'âge adulte nous avait fait oublier un peu vite, mais aussi la timidité des premiers émois amoureux… Mais la roulette du dentiste, elle, vous ramène à une réalité plus actuelle. C'est parfois aussi l'évocation de tout le plaisir qu'on prend à la lente dégustation d'un artichaut, quand l'époque est plutôt au fast-food et au « time is money », à ce qu'il voit et qu'il décrit pour son lecteur, comme cette micheline-omnibus hors d'âge qui dessert encore pour quelques temps la gare d'un petit village. Il ajoute une pointe d'humour, une façon personnelle et malicieuse de rendre compte de la réalité, quand ce n'est pas avec une once de mauvaise foi. Rien ne lui échappe, ni un match de foot des « poussins » ni la déplaisante visite, généralement un dimanche matin où on a autre chose à faire, d' apôtres prosélytes venus vous porter la bonne parole en vous parlant du salut de votre âme ou du nécessaire retour à des valeurs religieuses traditionnelles et en vous priant de vous convertir sous le couvert d'une réflexion approfondie sur des vérités présentées comme les seules valables.
Nous avons droit à l'évocation un peu surannée des bals de campagne où on « valsait-musette », à la tiédeur bien actuelle des bistrots citadins et dans « l'heure du tee » dont le jeu de mot ne m'a pas échappé, c'est un autre monde mais puisqu'on étai dans la nostalgie, dans cette « saudade » chère à Fernando Pessoa, je me suis mis à regretter ces transformations qu'on bottait au rugby, mais en creusant une petite excavation dans la pelouse, d'un coup de talon résolu. Cela n’arrangeait sans doute pas le terrain, mais cela faisait partie du folklore. A l'heure des SMS, des courriels et du téléphone portable, je suis encore de ceux qui aiment recevoir des lettres, mais pas n’importe lesquelles, pas des factures ou des avertissements du percepteur, mais des lettres manuscrites, amicales ou, pourquoi pas amoureuses, j'aime les regarder, les décacheter, sentir l'odeur de l'encre et du papier, les lire, les relire, découvrir et interpréter l'écriture... et surtout pouvoir les conserver !
J'avais bien aimé « La première gorgée de bière » (La Feuille Volante n° 268) . J'ai retrouvé avec plaisir ces courts textes toujours aussi pleins de simplicité, de poésie, de dépaysement bienvenu. J'y ai retrouvé, toutes choses égales par ailleurs, l'ambiance que je goûte tant dans les poèmes de Léon-Georges Godeau. J'aurais peut-être apprécié un peu plus de nostalgie, mais cela tient à moi, sans doute ?
© Hervé GAUTIER – Novembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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