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la feuille volante

Paolo CONTE

 

 

N°253 – Mai 2006

 

 

Paolo CONTE

 

 

Cela fait longtemps que sa voix rauque habite ma mémoire.

 

Le hasard qui gouverne notre vie, la guide et parfois l’éclaire, m’a donné à découvrir ces derniers mois, les paroles de ses chansons et sa musique.

 

Je suis un amoureux du jazz, un béotien amoureux, sans aucune connaissance artistique, musicale ou technique, mais cette musique m’émeut, me fait marquer le tempo et me transporte, malgré moi, sans un ailleurs indistinct dont les arcanes me sont à la fois complètement inconnues et agréablement enivrantes. Cette musique qui illumine mon quotidien, sans que je sache vraiment ce qui m’y attache, sans que je comprenne pourquoi, moi qui suis incapable de sortir un son agréable d’un instrument de musique et pour qui le solfège reste une écriture illisible, un langage étrange et surtout incompréhensible… Je n’ai pas non plus ces connaissances qui font reconnaître un morceau aux meilleurs aficianados. Non, rien de tout cela, mais j’aime simplement la façon très particulière dont Paolo Conte distille le jazz, son jazz ! Je ne l’ai jamais entendu ailleurs que sur disques mais je comprends pourquoi des foules se déplacent pour l’écouter !

 

Et pourtant, le rythme que je retiens et qui me parle chez cet artiste, c’est moins le jazz que la musique mélancolique alliée à des paroles qui ne le sont pas moins et qui me plaisent peut-être davantage encore. Elles semblent écrites alternativement avec une encre diabolique, pleine de délire et de liberté au regard des règles académiques, parfois joyeuses, parfois tristes. Les notes semées sur son « piano forte » prennent une couleur plus sombre et nostalgique qui me plaît. Je choisis d’y lire les états d’âme d’un écorché vif par la vie, d’un poète aux amours impossibles qui poursuit inlassablement des chimères qui toujours lui échappent, des fantasmes distillés à travers l’image fugace des femmes entraperçues. Cela ressemble à une quête de quelque chose d’indistinct, situé ailleurs, loin de ces paysages gris et pluvieux d’un quotidien bien ordinaire qu’il barbouille de bleu, mais cette couche de mauvaise peinture ne tient jamais bien longtemps.

 

Il me semble parfois incompris, parfois délaissé par les femmes qu’il recherche et dont il poursuit l’ombre jusque dans le souvenir comme seuls savent le faire les êtres timides qui s’en remettent au hasard, à la chance qui souvent les déçoivent. C’est comme s’il habillait sa détresse de mots, comme des incantations, comme si ces phrases subitement démembrées et juste suscitées, renouvelaient cette impression première, avec une grande économie de paroles, comme si elles ne voulaient pas venir se poser sur la blancheur de la page ? Il me semble un poète égaré dans un monde qui pourtant l’enchante, avec une lourde valise encombrante. Elle est pleine de désirs inassouvis, de regrets, de remords, de fantasmes, de souvenirs, d’échecs mal vécus, avec la nostalgie de cette enfance comme un pays définitivement quitté sans espoir de retour, mais qui laisse à la bouche un goût d’orangeade, ou de glace au citron, une journée à la mer ou une soirée au cinéma.

 

Il me semble chercher quelque chose d’inaccessible et sait que sa quête est sans issue. Ses paroles sont parfois à peine chantées, comme si elles exprimaient une plainte qui imprime à l’âme quelque chose comme une empreinte en creux.

 

Cette nostalgie qui sourd de ses notes autant que de ses mots me plaît bien parce que tout cela est dit plutôt que chanté en italien qui est la langue de la musique, avec en filigranes l’intuition de l’aspect définitivement dérisoire et transitoire des choses et de la vie. S’il rie parfois, c’est pour éviter d’avoir à pleurer sur tout cela !

 

© Hervé GAUTIER  http://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg 

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