la feuille volante

Poésies

N° 1451 – Avril 2020.

 

Jules Laforgue.

 

L’amnésie étant une des grandes caractéristiques de l’espèce humaine, et c’est sans doute le lot de la plupart des poètes de ne pas rester dans la mémoire collective sauf si un chanteur à succès décide d’accrocher des notes à leurs vers, la poésie étant de nos jours le parent pauvre de la littérature. Jules Laforgue (1860-1887) fait partie de ces oubliés et pourtant il a permis à la poésie d’évoluer, donnant entre autre, naissance au vers libre qu’illustreront bien après lui bien des poètes qui dont nous disons encore les textes aujourd’hui. Né à Montevideo (Uruguay) d’une famille française émigrée espérant faire fortune, il revint en France à l’âge de 6 ans, interrompit ses études puis mèna à Paris une vie difficile, marquée par le spleen, le sentiment de ne pas être à sa place en ce monde, le mal-être, le pessimisme du « poète maudit » et la solitude qui baignent ses poèmes. Il fréquenta les milieux littéraires parisiens, devint secrétaire d’un critique d’art, acquit un goût sûr en peinture, notamment dans le domaine de l’impressionnisme, et rencontra des poètes qu’on appellera plus tard « Symbolistes ». Il obtint le poste de lecteur de l’impératrice allemande Augusta de Saxe-Weimar Eisenach, âgée à l’époque de 71 ans, qu’il suivit à travers l’Europe. Il était en effet d’usage qu’à la cour on parlât le français. Cet emploi lui assura une relative aisance financière et lui permit surtout de voyager. Cela dura 5 années pendant lesquelles il écrivit et publia, mais uniquement à ses frais, traduisit le recueil, « Feuilles d’herbe » du grand poète américain Walt Whitman (1819-1892), se maria en 1886 et mourut de phtisie l’année suivante à Paris. Certaines de ses œuvres ne furent publiées qu’à titre posthume. Tel est le parcours de ce poète mort à 27 ans.

 

L’évolution de l’écriture de Laforgue est caractéristique. Ses premiers poèmes d’adolescents sont empreints de classicisme, « Complaintes » paru en 1885 et « L’imitation de Notre-Dame La Lune », en 1886 sont deux recueils de facture classique, respectueux de la prosodie et attestent de son inspiration traditionnelle lyrique. Les vers employés sont des alexandrins (parfois irréguliers) ou des vers de 8 ou de 10 syllabes avec des rimes alternativement plates, embrassées et alternées souvent tressées sous forme de poèmes à forme fixe comme le sonnet qui attestent de son héritage baudelairien. Avec « Derniers vers », paru en 1890, il prend une dimension de modernité cependant déjà annoncée en filigrane dans ses œuvres précédentes, à la fois dans la forme (absence de rimes, mots résolument actuels) et dans le fond (thèmes traités). Il prend cependant des libertés avec les mots et les fait parfois agréablement sonner entre eux mais aussi réagir agressivement, brise le rythme classique.

 

Les thèmes sont classiques, celui de la condition humaine, de la brièveté de la vie, de l’ennui, de la mort qu’il a connue très tôt avec le décès de sa mère alors qu’il n’avait que 17 ans. Il parvient même à y instiller de l’humour et de la dérision. Il est un poète injustement méconnu et oublié.

 

Je poursuis mon évocation, forcément limitée et trop superficielle, des poètes que la mémoire collective a quelque peu « confinés » dans un anonymat à mes yeux incompréhensible.

 

 

 
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