ATTENTAT
- Par hervegautier
- Le 09/01/2015
- Dans Amélie Nothomb
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N°851 – Janvier 2015
ATTENTAT - Amélie Nothomb – Albin Michel (1997)
L'auteur met en scène deux personnages que tout oppose. D'une part Épiphane Otos, un jeune homme de 29 ans qui n'a jamais connu l'amour, d'une laideur repoussante mais riche de sensibilité et Ethel, une jeune comédienne d'une fascinante beauté. Bien entendu Épiphane lui voue un amour sans borne. C'est sa chance que cet incroyable hasard mette sur sa route une telle femme qui, contre toute attente sans doute, ne le repousse pas. Grâce à elle il transforme ce défaut définitif en qualité, risque ce que sans elle il n'aurait jamais oser et devient top-modèle. Bien entendu Épiphane garde secrète cette attirance pour sa bien-aimée, la transformant en amitié, en complicité et même en une sorte de fraternité avec elle. Malgré cela, Ethel s 'amourache d'un peintre connu, accréditant peut-être l'idée que la laideur est quand même un frein et la normalité un aimant.
C'est l'occasion pour Amélie Nothomb, non seulement de faire référence à de nombreux ouvrages culturels et notamment, on s'en serait un peu douté, à propos d’Épiphane, à Quasimodo(puis à Cyrano de Bergerac) et à Esmaralda à propos d'Ethel, mais aussi de disserter sur la norme. Qu'est ce que la beauté, comment varient ses critères dans le temps, quel rôle joue-t-elle dans la société, comment le regard des autres influe-t-il sur notre comportement, a-t-on le droit de se moquer de la laideur au seul motif qu'elle ne correspond pas aux critères sociaux ? Peux-t-on, dans une société qui se dit évoluée, repousser de la collectivité ceux qu'on juge laids, les cantonner dans une sorte de microcosme où l'amour leur serait interdit ? C'est aussi une occasion donnée au lecteur de se remettre en cause sur la perception du monde qui nous entoure et notamment sur l'art. Ces questions font débat et il n'est pas inutile de les remettre à l'ordre du jour.
C'est le cinquième roman d'Amélie Nothomb. Comme d'habitude, je l'ai trouvé agréablement écrit et donc facile à lire. C'est émouvant cette relation platonique et cette amitié entre un homme et une femme qui ne se transforme pas en passade ou en liaison amoureuse. Je note que malgré tout Ethel, malgré sa complicité et son amitié pour Épiphane, ne répond pas à son amour. Lui, rendu timide, craintif à cause de cette laideur, garde secret cette attirance et la regarde partir, seulement capable de la lui avouer à distance et par fax. L'amour, nous le savons est une chose fragile et le faire rimer avec toujours est un leurre. Je lis les romans d'Amélie Nothomb avec une certaine circonspection, je les trouve inégaux et si je fréquente son univers créatif c'est davantage parce qu’elle est un auteur à succès que dois avoir lu pour en parler que par réel plaisir. Pourtant, ce livre pris au hasard sur les rayonnages d'une bibliothèque m'a parlé sans doute plus que les autres. Je me trompe peut-être mais le personnage d’Épiphane a retenu mon attention non seulement parce qu'il idéalise Ethel mais aussi parce qu'il en a peur au point de la laisser partir avec un autre et de choisir une solution définitive. Sa notoriété passera comme passent toutes les choses humaines mais sa laideur elle restera toute sa vie et il la portera comme une croix. A cause d’elle il regardera passer des femmes belles et désirables mais aucune ne lui fera l’aumône d'un regard et il en souffrira. Il est pourtant, comme la plupart des hommes, attiré et même fasciné par la beauté des femmes mais il y aura toujours cette disgrâce qui l'empêchera de parvenir à ses fins. Il aura ainsi toute sa vie la certitude de n'exister pour personne et n'aura que la force de confier cela au papier, c'est à dire en vain, faute de pouvoir le faire de vive voix. De toute manière il restera sur un échec à l’image de l'épilogue de ce roman.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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