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la feuille volante

LES GENS DU HUIT MAI (et d'autres quartiers du monde) - Jean-François POCENTEK

 

N°516 – Avril 2011.

LES GENS DU HUIT MAI (et d'autres quartiers du monde) - Jean-François POCENTEK – Éditions la contre-allée.

 

Comprenez, « les gens de la place du 8 mai 1945», une date qui marque la fin de la deuxième guerre mondiale et qui s'inscrit probablement en lettres blanches sur fond d'émail bleu de la commune d'Aulnoye-Aymerie (Nord). Ce sont eux qui ont inspiré cet ouvrage à l'auteur qui préfère parler d'une « création » à partir de témoignages collationnés entre octobre 2008 et mars 2009, lors d'une « résidence » dans cette commune. C'est donc à la fois un livre de souvenirs, à la fois intimes et collectifs, des lambeaux d'enfance avec des images qu'on n'oublie pas « J'allais lui raconter tous les genoux écorchés, les chaises posées sur le devant des portes, les fils à linge décrochés quand le charbon arrivait... », un retour aussi dans un décor familier mais presque fantomatique « Les parpaings ont commencé de clore les yeux et la bouche des maisons des en-allés, pour que d'autres, en mal de logement, ne puissent venir y prendre refuge ».

 

Dans ce « pays d'enfance » qui « a des allures de terre sacrée » on évoque des jeux où parfois on endosse la panoplie d'un personnage ( Un-deux-trois Cho-co-lat-Meu-nier – Zorro, Thierry la Fronde...), l'arrivée (tard, au bloc Havret) de la télé en noir et blanc qu'on allait voir chez un voisin ou qui marquait un moment de la journée. « Trois bouts de musiquette et la boite à nostalgie se remet en route ». Tout n'est cependant pas idyllique et là comme ailleurs « le sublime a dû côtoyer le grotesque comme le rire tutoyait les larmes ».

 

A travers les souvenirs des habitants, on remonte à l'après-guerre des bidonvilles, de l'entre-aide, de la solidarité, de la débrouille. On vivait simplement « oui, c'était une autre époque, Ginette... », puis c'est l'arrivée du confort avec le déménagement au bloc Havret, la rencontre d'anciens et de nouveaux voisins, un monde qui se recompose, comme avant. Et quand on quitte ce paysage pour quelques rares jours de vacances, ce n'est jamais pour longtemps !

 

Le Nord, c'est l'accent qui chuinte, la baraque à frites, l'usine, les jardins-ouvriers, la Sambre, le canal et les péniches qui passent, la messe du dimanche, la lutte des classes, l'école pour le enfants, le cimetière où l'on parle aux morts... Le Nord, c'est la pluie, le ciel bas, mais aussi une terre de migrants venus du soleil, Arabes ou Italiens, à cause du travail qui apportent avec eux leurs coutumes. Sylvie ne sait plus si, ici, place du 8 mai, elle a vécu les meilleures ou les pires années de sa vie, parce qu'il y avait le soutien des autres mais aussi la violence, la drogue qui l'ont rendue peureuse et méfiante. « Qui a menti Nordine ? Personne. » et tout se brouille avec l'alcool, la combat syndical, les fins de mois difficiles, le licenciement, le chômage et les maigres allocations, la révolte contre les injustices, le mal de vivre qu'on essaie d'oublier « Mais ce n'est pas peine de trop touiller ce qui est du jus saumâtre ».

Sur cette place, il y a aussi une bibliothèque où l'on vient lire, emprunter des livres ou des disques, faire « provision de rêve » ou faire des rencontres pour le simple plaisir de voir des gens ou des silhouettes de femmes. On y parle de soi, on vient y faire partager un peu de sa vie, les joies, les peines, les doutes, les deuils... . Il y a ceux qui restent et ceux qui chaussent leurs « semelles de vent » parce que l'appel de l'ailleurs est le plus fort... et qui reviennent ! Ce n'est pourtant pas un lieu idyllique et la violence, parfois gratuite, s'y exprime aussi. Ici on lit les auteurs au hasard ou en respectant l'ordre alphabétique, c'est selon, mais il y a aussi les conseils et le sourire de « la dame aux livres »...

Ce lieu va être « déconstruit » (pas démolis) mais malgré ce qu'en dit l'auteur il y a toujours un peu de tristesse dans ce mot, même si ce qui viendra sera plus moderne, plus fonctionnel...

 

J'ai rencontré les textes de Pocentek par hasard sur les rayons d'un bibliothèque publique. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire (La feuille volante n° 414- 417- 420- 421) j'ai bien aimé cette belle écriture qui est le témoin de « semaines de collectage de paroles d'habitants », elle parle simplement de ces tranches de vie, des gens, de leurs malheurs et de leurs moments de bonheurs, leurs souvenirs, leurs secrets. J'aime cette petite musique des mots, cette nostalgie douce que j'ai retrouvées ici avec autant de plaisir.

 

 

 

 

 

©Hervé GAUTIER – Avril 2011.http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





 

 

 





 

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