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la feuille volante

océan mer

 

La Feuille Volante n° 1280

Océan mer - Alessandro Baricco – Albin Michel .

Traduit de l' italien pare Françoise Brun.

 

Imaginez la pension Almayer « posée sur la corniche ultime du monde », occupée temporairement par sept étranges personnages de passage, venus au bord de la mer pour guérir leurs maux, un endroit où « on prend congé de soi-même ». Il y a là Elisewin, une fragile et sensible jeune fille de 16 ans à la voix de velours. C'est le père Pluche, un homme d'église, féru de prières interminables et pourtant bien peu religieuses, qui ne dit jamais ce qu'il faudrait dire, qui l'a amenée ici pour la guérir de son hyper sensibilité, Le professeur Bartleboom qui observe la nature et écrit une étrange encyclopédie sur la limite des choses tout en cherchant désespérément l'amour, Plasson, l'ancien portraitiste en vogue qui ne finit jamais ses phrases et qui est venu ici pour faire le portait… de la mer, mais ses toiles, peintes à l'eau de mer, restent blanches pour la plupart ! Il y a entre ces deux hommes une sorte de point commun, une recherche folle, chacun à sa manière, de l'insaisissable. Annn Devéria quant à elle, vient ici avec son mari, pour guérir... de l'adultère, sans apparemment y parvenir. Elle est d'une certaine manière le pendant de Bartleboom qui cherche l'amour alors qu'elle veut l'oublier, Il y a aussi entre eux une forme de solitude, différente mais bien réelle, une quête impossible. Entre le docteur Savigny et Adams, dont le vrai nom et Thomas, a existé une histoire un peu floue : tous les deux sont les rescapés du naufrage de « l'Alliance » qui nous est raconté dans la deuxième partie de ce roman et qui ressemble à l'épisode du « Radeau de la Méduse » immortalisé dans un tableau de Géricault. Ce sont les mêmes scènes de panique qui ont transformé les hommes en animaux meurtriers, les ont rendus cannibales pour survivre. Entre eux le point commun est la vengeance puisque le Savigny serait l'assassin de la compagne de Thomas. Ce qui rapproche Elisewin est subtil, l'une ne connaît rien du monde où elle vit et l'autre en connaît trop. Il y a aussi les enfants dont le prénom aux accents magiques commence par un D, chacun semblant être un témoin de cette comédie qu'est la vie des adultes autour d'eux!

 

Il y a bien sept personnages qui ont entre eux une sorte de complémentarité, comme une sorte de puzzle étrange, mais le huitième, omniprésent, c'est la mer, censée guérir tous les maux de ceux qui sont venus ici, dans ce coin oublié de la planète où chacun est là, en attente de quelque chose qui ressemble peut-être à une renaissance, avec son histoire, ses interrogations, ses fêlures, ses espoirs .Tous la considère comme une panacée, mais c'est pourtant cette même mer qui a tué lors de  l'épisode du naufrage de « l'Alliance », celle qui détruisait aussi quand les habitants du littoral se transformaient en naufrageurs, Cet endroit où finit la terre et ou commence l'océan, avec son mystère ,est une sorte de transition entre deux mondes, ce lieu est étrange, cette pension est une antichambre face a un infini, plus vraiment la vie, pas encore la mort, un état temporaire et mystérieux comme l'est la septième chambre de cet hôtel son non moins mystérieux occupant.

 

Le texte aussi est mystérieux qui va de la période contemporaine au récit catastrophique du fameux « radeau de la Méduse » qui se désagrège comme disparaît à la fin du roman cette pension. C'est un récit labyrinthique évoquant la vie dont chacun d'entre nous n'est que le simple usufruitier et qui se termine inexorablement par la mort, Il évoque le Sénégal et la France et tisse autour de lui une sorte de halo d'intemporalité, à la fois dépaysant, dérangeant mais aussi captivant, autant par l'histoire de chacun que par l'écriture.

 

 

 

 

© Hervé GautierSeptembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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