la feuille volante

LE FAIT DU PRINCE

N°772 – Juillet 2014.

 

LE FAIT DU PRINCEAmélie NothombAlbin Michel.

 

Ce livre pris au hasard dans les rayonnages de la bibliothèque m'était parfaitement inconnu et je venais juste d'entamer l’œuvre d'Amélie Nothomb. D'autre part, le titre m'évoquait davantage une théorie juridique qu'une œuvre de fiction mais pourquoi pas ?

 

Dès les première pages, cela me semblait un peu loufoque mais après tout pourquoi pas me suis-je dit. Un parfait quidam, Baptiste Bordenave, la quarantaine triste, dont la vie est sans aucun fait marquant, voit débarquer chez lui un inconnu qui lui demande d’utiliser son téléphone à cause d'une panne de sa voiture. Jusque là rien d'extraordinaire sauf que cet homme meurt sous ses yeux. A cause d'une conversation qu'il a eue la veille, il craint d'être accusé de meurtre ce qui est assez inattendu. Ce qui l'est encore plus est qu'il décide de prendre sa place, son identité, de le ressusciter en quelque sorte alors même qu'il ne sait rien de lui. Du point de vue du code pénal c’est quand même assez risqué. Il sera donc Olaf Sildur, un suédois et comme le hasard fait bien les choses, surtout dans les romans, il s'aperçoit vite qu'il ne perd pas au change puisque qu'après avoir volé son identité et son argent au défunt, il lui prend sa jeune et jolie femme. De quotidienne et laborieuse, sa vie devient soudain oisive et surtout riche, consacrée au sommeil, au repas décalés et surtout à l’assèchement de la cave, ce qui donne un florilège de poncifs sur le savoir-boire, l’alcoolisme et l'ivresse. A ce moment on peut s'interroger sur l'activité réelle de cet Olaf, entre trafic de drogue et espionnage d'autant que notre « Baptiste-Olaf » est suivi par deux hommes ce qui l'oblige à fuir et donc à disparaître avec sa nouvelle maîtresse en direction de la Suède. Du coup ce roman bascule dans une sorte de thriller, mais ce n'est pas exactement cela puisque cela devient complètement surréaliste avec l'existence d'un tunnel entre l'appartement du défunt et la banque que, bien entendu et sans aucune difficulté, le nouvel Olaf dévalise. Le fait d'être dans une fiction n’autorise pas pour autant n'importe quelle facilité de scénario ni d'ailleurs des longueurs un peu trop fréquentes et on se perd en conjectures sur la véritable identité du vrai Olaf, sur sa vie, sur sa mort et sur ce qu'a amené Baptiste à prendre sa place. Quant à l'évocation finale du Cercle polaire, je n'ai pas vraiment compris, à moins que ce ne soit le sempiternel thème de la feuille blanche qui, ici, aurait bien dû le rester. Le récit n'est tout simplement pas crédible et j'ai trouvé cela dommage. Le seul intérêt que j'y ai perçu est qu'il se lit bien et vite, comme la plupart des romans d'Amélie Nothom, et procure une agréable lecture.

Et « le fait du Prince » la-dedans ? Je ne suis pas un spécialiste mais c'est soit un acte arbitraire du gouvernement soit, en droit administratif français, une décision de l'Administration qui pèse sur un contrat où elle est partie prenante et qui peut éventuellement lésé son cocontractant. Mais je ne vois pas très bien le lien entre ces notions juridiques et ce roman, l'explication finale ne m'ayant pas vraiment convaincu, à moins bien sûr que je ne sois, une nouvelle fois, passé à côté de quelque chose !

Je connais imparfaitement l’œuvre, par ailleurs abondante, de l’auteure (La Feuille Volante n°676 – 771) mais il m'apparaît de plus en plus qu'elle est capable du pire comme du meilleur. Là, j'ai été franchement déçu.

 

©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

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