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la feuille volante

le tailleur gris

N° 1556 - Juin 2021

 

Le tailleur gris – Andrea Camilleri – Métaillé.

Traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

 

Quelle est cette habitude prise par les hommes d’un âge certain, le plus souvent veufs ou divorcés, d’épouser des femmes qui pourraient être leurs filles ? C’est sans doute pour se sentir moins vieux, pour faire semblant de croire qu’ils auront ainsi droit à une rallonge de vie ou de plaisir qu’ils répondent à l’appel de ce « démon de midi » alors qu’ils ont toutes les chances de précéder leur épouse dans la mort. Surtout qu’il y a toujours une Gianna, à la fois meilleure amie de l’épouse et surtout sa parfaite complice pour servir d’alibi à l’épouse volage, même si le mari ne se fait aucune illusion. C’est le cas de ce directeur de Banque, tout juste retraité, qui a épousé dix ans plus tôt la très jeune et accorte veuve, Adèle, malgré les réticences de son fils Luigi. Elle n’arbora que pendant peu de temps son tailleur gris de femme d’affaires qui était aussi la marque de la fin de son deuil, de cette période assez indistincte qui est avant tout celle d’une transition. C’est une belle femme, autoritaire et déterminée, avide de reconnaissance sociale mais aussi de sexe et de plaisir, le type même de la femme de pouvoir qui entend bien gouverner sa propre vie qu’elle veut libre d’autant plus qu’elle a imposé Daniele au sein du couple, un soi-disant cousin étudiant qui dort dans la chambre voisine de celle d’Adèle.

Certes cette femme est au lit à la hauteur de sa fougueuse jeunesse, mais lui, malgré sa vigueur un temps retrouvée, finit par se faire une raison et par admettre de devoir partager Adèle avec des amants de passage. Et la toute nouvelle retraite de son mari, et donc sa présence au foyer, va un peu bousculer la liberté dont elle jouissait auparavant et qu’elle entend bien voir perdurer maintenant. Elle va donc le manipuler ainsi que son entourage pour lui faire accorder un poste important, même si celui-ci est quelque peu mystérieux et sans doute lié à la mafia, pour lui éviter de troubler son quotidien amoureux, autrement dit elle souhaite faire perdurer atmosphère de mensonge et de trahison dans laquelle baignait son couple jusqu’ici. Dans cette épisode, il semble être une marionnette entre ses mains de même qu’elle s’attache à brouiller les pistes autour d’elle, à faire semblant de l’aimer pour profiter des avantages financiers de cette union qui se révèle être un piège et l’amour entre eux, un leurre.

Avec la vieillesse vient pour cet homme la maladie et il voit son épouse changer, devenir dévouée et attentive tout en s’inquiétant de la succession. Le livre refermé, j’avoue être un peu dubitatif face à cet homme qui se met à croire à l’amour de cette épouse, ou à se rassurer en faisant semblant, au pas de la mort qui sera pour lui une délivrance dans une situation qui ne pouvait que se retourner contre lui. J’ai même l’impression qu’il lui pardonne ses frasques. J’avoue que je n’ai pas cru un instant à cet amour tout neuf d’Adèle pour son mari et j’y ai même vu une autre forme d’hypocrisie. J’imagine qu’elle ne tardera pas à contacter le notaire pour connaître ses droits et ensuite se choisir un nouvel amant !D’ailleurs, avant de mourir, le mari constate qu’elle porte son traditionnel tailleur gris ! La chute de cette histoire m’a même paru un peu convenue, décevante même parce que je m’attendais à autre chose

J’ai apprécié cependant le style simple et agréable à lire de ce roman du grand auteur italien connu surtout pour ses « policiers ». Ici, rien à voir avec un « giallo » comme disent nos amis transalpins.

 

 

 

 
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