la feuille volante

ILS M’ONT DIT - Bernard DRUPT

 

 

Juillet 1991

n°70

 

ILS M’ONT DIT - Bernard DRUPT - La Revue Indépendante - 206 rue E.Branly - 93100 MONTREUIL/BOIS

 

On connaissait Bernard Drupt comme un homme de lettres à tous les sens du terme. On le savait défenseur de la langue française, et son sens du journalisme était reconnu. Avec « Ils m’ont dit », il dévoile une autre facette de sa personnalité, celle de savoir écouter ses contemporains. La phrase de Gilbert Cesbron citée en exergue prend, dès lors tout son sens.

Il a su, dans un panel de trente-cinq personnages, présenter des auteurs, mais aussi des journalistes dont certains sont célèbres, et d’autres le sont un peu moins, mais qu’importe... Il a apporté à tous la même attention, le même intérêt. Et tant pis pour ceux qui n’étaient pas au rendez-vous!

C’est vrai qu’il y a comme chez le téléspectateur ou l’auditeur une aspiration légitime à en savoir plus, à connaître la face cachée d’un personnage célèbre. Un des intérêts de ce livre est de lever un coin du voile jeté sur ceux-là même qui s’en recouvrent volontiers, car notre auteur a eu le bon goût de ne pas s’entretenir avec des personnages à scandale qui font de leur vie privée une affaire publique. Ceux-là, je pense, ne l’intéressent pas!

Derrière l’homme public se cache une sensibilité, des précautions d’homme ordinaire, un jardin secret aussi dont il ne laisse pas forcément fouler les allées. Bernard Drupt a su amener chacun à se livrer par la pertinence de ses questions, l’intelligence de ses remarques. Je note également, et ce n’est pas là une moindre qualité, que, tout en s’effaçant devant son sujet, il a su lui-même s’affirmer en ne se laissant pas oublier, prouver qu’il restait maître du jeu.

C’est qu’il ne s’agit pas là d’un questionnaire-type appliqué aveuglément à chacun. Bernard Drupt a su s’adapter à son interlocuteur en fonction de sa vie, de son oeuvre, de ses origines. Il est normal que, face à un journalisme aussi professionnel que lui, il y ait quelques réserves, que l’interlocuteur dresse des barrières ou reste sur la défensive. A ce propos, j’emploierai volontiers le terme de maïeutique, l’art d’accoucher les esprits, cher à Socrate, tant il est vrai que certains intervenants se sont étonnés eux-mêmes. Ils sont tous des hommes de communication, et on a tôt fait de leur coller une étiquette... Démythifier est un des sens de ce livre, car les médias sont un prisme déformant...

Ce qui m’a intéressé dans cet ouvrage, c’est sa simplicité. Bernard Drupt mène ses entretiens sans prétention, mais avec sensibilité, intelligence, spontanéité aussi, comme un honnête-homme qu’il est. Mais cette belle galerie de portraits ne doit pas nous faire oublier son travail considérable de « documentaliste » complété par une grande culture. Il le dit lui-même : « On ne s’embarque pas sans »biscuits ». Mais quand même, chapeau!

La multiplicité des intervenants, leur qualité, font de ce livre un ouvrage de référence à bien des titres. Non seulement il s’intéresse au phénomène littéraire en général, mais aussi il prend en compte des problèmes de société, ce qui en fait un ouvrage actuel, bien que certains entretiens datent de quelques années. Bref, c’est l’occasion de faire le point sur notre société au quotidien, mais aussi de la voir à travers les yeux d’humanistes.

Ce que j’apprécie aussi, c’est le respect que Bernard Drupt a de son interlocuteur. C’est une grande qualité que beaucoup de ses confrères oublient souvent. La franchise et l’objectivité la complètent et cela enrichit la perception que nous avons des hommes qu’on dit célèbres...Ceux qui ont répondu comme ceux qui se sont dérobés!

Etre un confident, voire un confesseur est à la fois une tâche ingrate et passionnante. Il faut connaître l’homme et son oeuvre, savoir faire un bout de route avec lui, l’entraîner sur des chemins de traverse, le pousser dans ses contradictions sans jamais choquer. C’est du grand art!

J’ai dit que je considère ce livre comme un ouvrage de référence. J’ajoute qu’une suite s’impose!

 

© H.G.

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