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la feuille volante

Les merveilles.

N°872– Février 2015

Les merveilles.

Un film d'Alice Rorhwacher – Grand prix au Festival de Cannes 2014.

Nous sommes en été, en Italie et plus exactement en Ombrie ou en Toscane, dans une famille d'apiculteurs. Les parents, la quarantaine, semblent être venus à la terre par idéal ou par l'utopique volonté de vivre loin des villes. On les imagine anciens étudiants ou salariés en rupture de ban et qui ont préféré le retour à la nature. Les abeilles sont le symbole de cette démarche écologiste. Ils sont un peu en marge de la société, un peu anar aussi, habitent loin du village dans une maison délabrée, vivotent du miel... Lui est allemand, un peu gueulard mais sympathique et pas violent, il adore ses quatre filles et va jusqu'à leur offrir un anachronique chameau...Elle est italienne, et un peu déçue de cette vie. Chez eux on parle le français, l'allemand, l’italien. S'y ajoute, pour les vacances, Coco, une jeune femme au moins aussi paumées qu'eux et chacun aide comme il peut le couple dans son activité agricole.

L'été, c'est agréable, on dort dehors, on s'occupe des ruches, on se baigne dans le lac tout proche. C'est une vie simple, au grand air où l'argent n'a pas le rôle principal. Pourtant la pollution et les pesticides menacent la survie des abeilles et l'exploitation qui n'est plus aux normes européennes devra fermer bientôt. L'aînée, Gelsomina, est la seule de la famille à avoir la tête sur les épaules. On songe évidemment à la même Gelsomina dans « La Strada » de Fellini, aussi attachantes l'une que l'autre. Adolescente, elle s'éveille à la vie et devrait être insouciante mais elle est présentée comme “le chef de famille” à l'éducatrice. C'est en effet elle qui s'occupe de tout à la maison et dans l’exploitation, elle sur qui se repose son père, surtout quand on vient leur amener un jeune délinquant que la justice souhaite réinsérer. Elle voit dans ce placement un apport d'argent qui aiderait la famille à vivre un peu mieux. Elle s’inquiète aussi de l'avenir en se demandant si sa mère sera là quand elle aura 60 ans !

La Toscane est aussi la patrie des Étrusques, ce peuple à la civilisation avancée, conquis par les Romains. Une équipe de télévision vient dans la région pour le tournage d'une émission,”Le pays des merveilles”, à propos de ce peuple. Les fermiers des alentours sont invités à y participer . Gelsomina, appâtée par la récompense (une croisière et beaucoup d'argent) et contre la volonté de son père, inscrit sa famille. Entre l'adolescente et la présentatrice-vedette (Monica Belluci) déguisée en prêtresse ou en fée aux cheveux couleur d'écume, naît une véritable complicité. Elle souligne le second visage de la personnalité de Gelsomina sensible à la féerie des choses notamment quand elle boit le rayon de soleil dans la grange.

En l'absence des parents, partis sans doute vendre leur miel au marché local, un responsable de l'émission visite l'exploitation. Ils sont choisis pour y participer mais malgré Gelsomina et son spectacle d'abeilles, c’est un voisin qui remporte le prix. C'est aussi avec sa complicité que le garçon délinquant, profitant du tournage de l'émission, choisit de disparaître. Dès lors les ennuis avec l'Administration commencent et les parents doivent liquider l'exploitation et partir. C'est une page de leur vie qui se tourne et on imagine la suite, morne, désargentée, désillusionnée . C'est le retour à une vie plus conventionnelle, un idéal qui s'effondre.

C'est le deuxième long métrage d'Alice Rohrwacher. C'est un film à la fois poétique et humble, réaliste, brut et même spartiate. Sur le plan technique c'est une forme d'écriture cinématographique particulière, tournée vers la nature, loin du monde informatisé et uniformisé que nous connaissaons actuellement, à l'inverse de la violence et du sexe qui caractérise souvent le cinéma d'aujourd'hui.

©Hervé GAUTIER – Février 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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