la feuille volante

D'accord

La Feuille Volante n° 1166

D'accord – Denis Beneich – Actes Sud.

 

Que reste-t-il de ce court roman, pris au hasard sur les rayonnages de la bibliothèque, après l'avoir refermé ? Une sorte de récit en deux temps dont l'un est consacré à la mémoire d'une famille dont le père ne semble pas faire autre chose que de s'intéresser aux courses de chevaux depuis une chambre qu'il ne quitte jamais et qui terrorise sa famille, la mère qui fait ce qu'elle peut pour recevoir sa parentèle au cours indéterminables déjeuners de famille et le narrateur qui se débat avec ses exercices de grammaire et qui n'aime rien tant que de se faire offrir des livres, ce qui a peut-être fait naître chez lui cette irrésistible envie d'écrire. Le deuxième temps de ce roman est consacré à ce même père, pensionnaire d'une maison de retraire d'où, d'évidence, il ne sortira que dans un cercueil. Le narrateur accompagné de son fils Vlad vient rendre visite à cet homme que la maladie d'Alzheimer a rendu imperméable à tout. Ainsi le narrateur va-t-il décrire par le menu non seulement l'intérieur de cet établissement, ceux qui le peuplent, soignants et surtout pensionnaires, la visite faite à ce père qui s'avance inexorablement vers la mort, perdant petit à petit toutes ses facultés et n'ayant plus qu'une existence végétative et des mots désarticulés, un vocabulaire bien souvent limité au mot « d'accord » prononcé à contre-temps.

Bizarrement le narrateur reste en retrait, se contentant de relater ce qu'il voit, de faire appel à ses souvenirs. Il laisse faire Vlad qui prend en quelques sorte la direction des opérations de visite et parle, un peu dans le vide, à son grand-père. Il y a un semblant d'échange entre eux un peu comme si, à travers cette économie de paroles, on sautait une génération dans le domaine du dialogue. Il n'y a pratiquement aucun échange avec le narrateur, un peu comme une permanence des choses de leur vie commune empreinte de silences depuis le début.

Ces descriptions n'ont rien d’extraordinaire puisqu'elles correspondent à ceux de nos parents qui ont été accueillis en maison de retraite parce que maintenant les choses sont ainsi chez nous. Imperceptiblement, on se dit que, quand notre tour viendra, la médecine aura fait des progrès pour nous épargner cela ou bien alors nous serons morts avant, mais là, rien n'est sûr ! Le problème traité par ce roman est bien entendu celui de la vieillesse, de la solitude, des dernières années de vie, de la maladie qui annihile tout ce qu'on a été auparavant et aussi celui de l'impossible dialogue entre parents et enfants. Ici, on semble choisir, à travers sans doute un plus grand attachement, des relations plus soutenues entre grand-père et petit-fils. Je ne suis pas sûr qu'il y ait là une connivence réelle, peut-être une affection plus grande envers quelqu'un de sa famille promis à une mort prochaine.

 

J'en étais là de ma lecture, estimant les pages qui restaient, quand l'épilogue s'annonça, un peu poétique et très étonnant, où l'inconscience le dispute à la complicité, ce qui donne au récit l'allure d'une fable et ce qui me fait dire que, malgré mon avis un peu quelconque voire négatif du début, je ne regrette pas d'avoir ouvert ce roman.

 

© Hervé GAUTIER – Août 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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