la feuille volante

Haruki Murakami

  • la passage de la nuit

    La Feuille Volante n°1067– Août 2016

    Le passage de la nuitHaruki MurakamiBelfond.

    Traduit du japonais par Hélène Morita.

     

    Ce roman nous entraîne dans Tokyo pendant une nuit, une manière de respecter la sacro-sainte unité de temps (rythmé par les horloges qui introduisent chaque chapitre) et de lieu. Mari Assaï, une jeune fille est assise devant une tasse de café dans un restaurant et lit un gros livre à une table. Un jeune homme, Takahashi, s’assoit à côté d'elle et un dialogue s'instaure. Il vient ici pendant la répétition du groupe de jazz où il joue du trombone. Plus tard, c'est Kaorou, gérante d'un « love hôtel » qui vient interrompre la jeune lectrice. Elle lui raconte que dans son établissement un client a tabassé une prostituée chinoise et vient chercher Mari qui, selon Takahashi parle le chinois. Dans le même temps Eri, la sœur de Mari, dort profondément mais dans son sommeil est peuplé d'étranges rêves.

     

    C'est un eu une histoire où il ne se passe rien et qui sert de prétexte à une visite nocturne de Tokyo. Ainsi le lecteur est-il invité à visiter, en qualité de témoin privilégié, des lieux interlopes comme ce « love hôtel » mais aussi un bar de nuit, un bureau où s'affairent nuitamment des informaticiens, la chambre d'Eri où la télévision, bien que débranchée, fonctionne et montre un homme dont on ne sait pas très bien s'il observe ou veille sur le sommeil de la jeune fille, des miroirs qui semblent garder le reflet de ceux qui s'y regardent, le monde de la pègre, celui de le prostitution... Ces petites touches qui composent un paysage bien étrange dessinent cette nuit qui est peut-être, pour l'auteur, semblable aux autres mais qui va transformer les intervenants, et va faire se croiser leur destin. Chaque scène est décrite différemment en fonction de celui qui la voit et on a cette espèce d'impression étrange de voler par dessus tout ce paysage, de découvrir le décor et la vie à travers l’œil indiscret d'une caméra.

     

    Cette lecture instille du mystère, de l'inattendu, une atmosphère énigmatique et imaginaire à laquelle je ne m'attendais pas. J'avoue que, malgré mon goût pour ce genre d'ambiance, je ne suis pas vraiment entré dans ce roman. Pourtant le titre était engageant et laissait place à la poésie qui, à travers l'écriture de Murakami, n'est pas absente de ce roman.

     

    Rêve, virtualité, réalité, absurde, surréalisme, je suis resté un peu sur ma faim, dubitatif aussi, mais je suis peut-être passé à côté de quelque chose. Huraki Murakami est un auteur que je découvre petit à petit. Je dois dire qu'ici je n'ai pas été convaincu.

     

     

    © Hervé GAUTIER – Août 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com

  • Après le tremblement de terre

    La Feuille Volante n°1066– Août 2016

    Après le tremblement de terreHaruki Murakami10/18.

    Traduit du japonais par Corinne Atlan.

     

    Je l'ai déjà dit dans cette chronique, l'univers d'un recueil de nouvelles est particulier. A travers chaque texte le lecteur recherche, parfois vainement, le fil conducteur de l'ouvrage. Ici, comme le titre l'indique il s'agit d'un tremblement de terre, celui de Kobé en 1995 et des conséquences qui peuvent en découler dans la tête de chaque Japonais. A vrai dire, les séismes font partie depuis longtemps de la vie de ce pays au point qu'existe une légende qui les explique. Depuis le XVII° siècle deux poissons-chats géants, Mamazu et Ōnamazu [une autre légende voulait que ce fût un dragon], vivant dans les profondeurs de la terre et très turbulents remuent régulièrement leur échine sur laquelle repose le Japon. Ainsi naissent les tremblements de terre au pays du « soleil levant ».

     

    Le livre refermé je ressens une impression de vide, d’inutilité, d’éloignement, de déréliction et de mort qui règne sur ces six textes, six fables, qui sont une variation sur ces thèmes. Certes le tremblement de terre apporte avec lui la mort, le néant, la destruction et cet événement, augmenté par la perspective de son renouvellement inévitable laisse dans l'esprit des gens qui vivent là une sorte de peur constante et ineffaçable qui souligne la certitude que nous ne sommes que les usufruitiers de notre propre vie, que nous ne sommes sur terre que de passage. L'auteur insiste sur l'isolement des êtres qui pourtant vivent en société [le thème de la boîte, à la fois petite et hermétiquement close est significatif]et pour cela il a de la matière. Que cela soit dans le domaine de la religion où Dieu se fait complètement inexistant et abandonne l'homme à son sort, et ce en pleine contradiction avec ce qu'on nous a dit au catéchisme, ou dans celui du mariage. C'est étonnant comme les hommes et les femmes se précipitent dans cette institution sans en avoir la moindre vocation, comme si c'était un point de passage obligé dans le parcours terrestre de chacun et comme si avoir un enfant était obligatoire. Rares sont les mariages qui perdurent longtemps et leur dissolution entraîne bien souvent un replis sur soi. Nier que les relations entre les époux sont toujours exemptes de mensonges et de trahisons est un leurre, dans ce domaine « amour » ne rime jamais avec « toujours » et le « happy end » est rarement au rendez-vous. Comme si cela n'était pas suffisant, la timidité, les amours manquées, les regrets et les remords, le temps qui passe se chargent d'accentuer ce phénomène. Nous savons tous que les apparences existent, qu'elles sont mensongères et que la solitude est parfois une meilleure voie. L'espèce humaine dont nous faisons tous partie, capable du pire comme du meilleur, choisit bien souvent le pire avec beaucoup de talent et cet état d'abandon dont parle l'auteur existe ; il est bien souvent la conséquence de l'action maléfique des autres. Vivre en société ressemble à un combat où chacun défend ses intérêts contre l'autre qu'il oublie ou qu'il cherche à éliminer, ce qui ne favorise guère les relations sociales. Et d'ailleurs, comme pour faire bonne mesure, cette solitude est aggravée par l'originalité dont certains individus peuvent éventuellement faire montre, un peu comme si, n'être pas comme les autres, dans la norme générale, excluait les relations humaines et les amitiés, comme s'il fallait satisfaire à l'instinct grégaire, renoncer à soi-même pour être admis à fréquenter les autres.

    Certes l'auteur prend le tremblement de terre de Kobé comme référence, un peu comme si ce phénomène presque ordinaire au Japon servait de catalyseur pour révéler l'état d'isolement de l'homme et le traumatisme que ce phénomène suscite. En effet, on cesse, dans ce pays, de se considérer en sécurité sur terre parce que, quand elle tremble, elle devient meurtrière, traîtresse, très semblables aux hommes finalement. Nous le savons bien, malgré la vie en société à laquelle chacun se consacre, la solitude existe de plus en plus et comme si cela ne suffisait pas, on est seul face à la mort. Il file une sorte de métaphore à travers différentes images qui personnalisent le tremblement de terre, un peu comme ces poissons-chats de la légende.

     

    © Hervé GAUTIER – Août 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com

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