la feuille volante

Les enfants du marais - Un film de Jean Becker.

 

N°552 – Février 2012

 

LES ENFANTS DU MARAIS– Un film de Jean Becker (1999).

 

Il est des films qui s'inscrivent dans notre mémoire à cause des distinctions qu'ils reçoivent, de la notoriété qu'ils obtiennent grâce à la médiatisation au moment de leur sortie en salles, de l'histoire qu'ils évoquent, des acteurs qui servent leur scénario, des paysages qu'ils offrent...Il en est d'autres, au contraire, dont nous nous souvenons avec précision sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu'ils nous ressemblent et évoquent une partie de notre parcours. « les enfants du marais » est de ceux-là.

 

Pourtant, il raconte une histoire bien banale, celle d'une rencontre de deux hommes devenus amis presque par hasard. Garris[Jacques Gamblin], un homme encore jeune, sans famille, sans attache ni fortune qui revient de cette grande boucherie de 14-18 qui l'a profondément marqué. Il croise un vieil homme[Jacques Dufilho] qui habite dans une pauvre masure près d'un étang en Bourgogne et qui l'y invite. Rapidement, il meurt en lui laissant tout ce qu'il possède, cette cabane en planches et quelques lignes pour la pêche à la grenouille. Il s'installe donc ici et rencontre Riton [Jacques Villeret] qui vit ici depuis toujours avec sa deuxième femme et ses trois enfants. Autant le premier est généreux et courageux, autant le second est paresseux, roublard et alcoolique. Garris l'entraine pourtant à travailler pour survivre. Une véritable amitié nait entre eux et ensemble, ils se font, au rythme de l'année, chanteurs de rues, marchands d'un peu de tout, fournisseurs de grenouilles ou d'escargots pour les restaurants de la ville d'à côté. Après tout, ils ne possèdent que leur vie dans ce coin de France où l'eau et la terre se conjuguent, qui ressemble à un paradis à l'écart de la ville et où la liberté semble être la règle. Pourtant, ils ne sont pas à la charge d'une société en marge de laquelle ils vivent volontiers « On est des gagne-misère, mais on n'est pas des peigne-culs »!

 

Cette amitié est partagée avec Amédée [André Dussolier], sorte d'intellectuel féru de lecture et de musique, sympathique et oisif mais qui épouse parfaitement ce mode de vie tout en différence. Elle l'est aussi par un veuf illettré, Hyacinthe Richard, dit « Pépé la Rainette » [Michel Serrault] qui a jadis habité au bord de cet étang et à qui la vie a souri. De ramasseur de ferraille il est devenu un riche patron de fonderie ce qui lui a permis de devenir notable et de marier sa fille à un arriviste qui le l'aime guère. Sa famille devenue bourgeoise et méprisante lui interdit de revenir au marais, mais il brave volontiers cette défense, ce qui lui sera fatal.

Eric Cantona signe ici avec talent un rôle de boxeur à sa mesure, victime lui aussi des femmes autant que de son caractère impulsif. Il complète avec bonheur ce panel de comédiens d'exception.

 

Il n'y a pas que cette connivence entre eux. Riton se remet mal du départ de sa première femme, Paméla, et Garris croisera le regard claire de Marie, domestique dans une grande maison. Il apprendra à ses dépens que ses amours ancillaires seront contrariées et que celle qu'il aimait a suivi dans le sud un homme plus âgé qu'elle, plus riche aussi sans doute parce qu'il représente sa sécurité et son avenir.

La morale de ce film tient en ces quelques mots de la conteuse qui illustrent bien ce qu'est la condition humaine « Il y a des moments dans la vie où l'on voudrait que rien ne change jamais plus ».

 

Il est cependant un personnage qui m'interpelle, celui qu'incarne le regretté Jacques Villeret [1951-2005]. J'ai déjà eu l'occasion de dire dans cette chronique (La Feuille Volante n° 157) tout le bien que je pensais de cet acteur emblématique, à la filmographie prestigieuse, au palmarès impressionnant, notamment oscar du meilleur second rôle en 1999 pour « Le dîner de cons », dont le talent se déclinait au théâtre comme au cinéma, disparu trop tôt à près de 54 ans, à la fois discret et représentatif du « Français moyen », gentil, rondouillard, raciste, maladroit, froussard, naïf et souffre-douleur des autres. Jamais vraiment star et même plutôt discret, il était l'archétype de l'acteur populaire et son apparition sur les écrans, même dans un rôle secondaire, était toujours pour le public un gage de qualité.

 

Gamblin, Dussolier et Villeret forment ensemble dans ce film à la fois drôle, poétique et profondémlent humain, un trio amical, émouvant et complice.

 

 

 

 

 

© Hervé GAUTIER - Février 2012.

http://hervegautier.e-monsite.com 

 
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