la feuille volante

Je, François Villon

N° 1552– Juin 2021.

 

Je, François Villon – Jean Teulé – Juillard

 

Comme le titre l'indique, C'est François Montcorbier, orphelin de père et de mère, les deux exécutés par la justice, qui se présente à nous. Dans son malheur, ce garçon qui aurait pu mal tourner très tôt a croisé la route du bienveillant chanoine Guillaume Villon qui lui donnât son nom, qui l'a protégé, instruit et a pourvu à son éducation et, souhaitant en faire un clerc il veilla à ce qu'il sût le latin, la géométrie, la théologie... Il ira plus tard à l'université. Mais notre François aimait la liberté et surtout la poésie. C'est grâce à elle qu'il payait ses passades au bordel et ses pintes à la taverne, troussant rondeaux, lais, motets et ballades et aussi pas mal de filles, célébrant à l'occasion "La Grosse Margot". C'était une sorte de moinillon tonsuré, paillard et indiscipliné, au grand dam de son protecteur qui ne se faisait pas trop d'illusions sur la conduite de son protégé ni sur son avenir, coupable, avec d'autres étudiants et des complices de frasques mémorables entre blagues de potaches et esprit de la Basoche, s'opposant aux archets du guet dans le Quartier Latin (déjà) dans le seul but de troubler l'Ordre public en s'amusant un peu. Il a eu beaucoup de chance d'échapper à la peste mais aussi à la justice ecclésiastique de l'époque, ordalique, inique, inquisitoriale et cruelle qui, au nom de l’Évangile dont les juges faisaient à l'évidence une lecture tronquée et de parfaite mauvaise foi et envoyaient dans l'autre monde tous ceux qui ne lui plaisaient pas. On y accusait de n’importe quoi, sans la moindre preuve, de l'hérésie à la sorcellerie, on y prônait la torture qui faisait avouer n'importe quoi (il y a un beau panel de tout ce qu'enduraient les suspects et dont maître François a également tâté), la souffrance qui était rédemptrice à l'image de celle du Christ, et qui était imposée à tous par cette justice ecclésiastique mais surtout aux condamnés qu'on envoyait au supplice pour des broutilles dans le seul but de faire respecter un semblant d'ordre public basé sur la peur. Cela n’empêchait nullement une forme d’anthropophagie camouflée mais bien réelle après les exécutions.

Et notre François dans tout cela... il traversa son temps en poétisant sans se douter que plusieurs siècles plus tard on connaîtrait son nom et son œuvre et qu'on y accrocherait même des notes de musique..Était- ce par atavisme ou par opportunisme, de coupeur de bourses il devint mauvais garçon et même assassin ce qui lui valut un bannissement de Paris et bien que son talent de poète l'incline à chanter l'amour il ne respecta pas les femmes qui, en ces temps n'avaient pour vocation que d'enfanter, de prendre le voile, de terminer ribaudes où emmurée, les moniales de ces temps-là sacrifiant parfois à la chair. Il avait pour lui son talent de poète, fort prisé à l'époque, ce qui lui valut les plus hautes protections, mais aussi la chance, celle d'échapper au gibet qui l'attendait et surtout d'avoir pour tuteur maître Guillaume, mais c'est en banni qu'il termina sa vie tumultueuse, puis on perd sa trace mais si on en croit Rabelais, il vint mourir du côté de St Maixent. Même célèbre, même maître de l"université, François voulut toujours rester libre, libre d'écrire ce que bon lui semble et de faire ce qu'il voulait, dût-il voler ou pire encore!

On ne peut évoquer sa mémoire, comme le fait avec talent Jean Teulé, sans se souvenir de ses œuvres, de l'importance qu'il a eu pour des lignées et des générations de poètes qui lui doivent leur révolte, leur folie et sûrement aussi leur talent. Ce n'est pas pour être rabat-joie mais il me pardonnera de lui emprunter quelques mots" Mais où sont les neiges d'antan" il fut un homme sans dieu ni maître, un poète passionné et passionnant mais il n'empêche que je n'aurais pas voulu le croiser dans un bois solitaire, on ne sait jamais!

 
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