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la feuille volante

Couleurs de l'incendie

N° 1490- Août 2020.

 

Couleurs de l’incendie Pierre Lemaître – Albin Michel

 

En ce mois de févier 1927, ce sont les obsèques du banquier Marcel Péricourt en présence du Président de la République et de tout le gratin parisien. Sa fille Madeleine va devoir prendre les rênes de cet empire auquel elle ne connaît rien dont elle est la seule héritière et ce d’autant plus que son fils Paul, 7 ans, choisit la mort en ce même jour sans toutefois l’obtenir complètement. L’enfant restera hémiplégique.

 

C’est le début de l’histoire de cette saga qui voit en deux ans la chute de la fortune de cette famille de banquiers par la faute de Madeleine, de son inexpérience des affaires et de la confiance aveugle qu’elle a fait à son entourage de profiteurs et d’escrocs. C’est le destin de personnages principaux et secondaires dont les parcours vont se croiser et ce plaisant roman, fort bien écrit et subtilement humoristique nous réserve une galerie de portraits forts bien campés qui illustre bien l’espèce humaine dans tout ce qu’elle a de plus odieux mais c’est ainsi, n’est ce pas, que se construisent les réussites petites ou grandes. Il montre la puissance de l’argent mais surtout toute l’hypocrisie des êtres humains, leur grandeur, leurs mensonges, leurs trahisons, leurs bassesses, leurs vengeances, leur décadence, surtout quand tout cela nous vient de nos proches qui, plus que les autres, savent comment s’y prendre pour nous nuire efficacement… Ainsi les relations entre amis ou membres d’une même famille, loin d’être amoureux ou amicaux, se résument-ils souvent à des questions d’intérêt, d’enrichissements personnels, d’apparences qui sont les références d’une réussite sociale, quand ils ne se résument pas à une volonté de détruire l’autre par plaisir, de s’approprier son bien pour se prouver qu’on existe, par vengeance ou seulement par jalousie. Cet intéressant roman explore en effet, sous des dehors parfois amusants, tous les travers humains, le sexe qui, comme l’argent, fait marcher le monde, c’est à dire pas très droit, mais le vice et le chantage restent des pistes qui n’ont rien perdu de leur efficacité surtout dans un contexte aussi malsain. Quand on aborde les rivages de la politique ce sont les intrigues, la cupidité, la corruption, les palinodies, les flagorneries, les vieilles rancunes recuites qui prennent le relai et jouent leur partition dans une société violente, compliquée et cependant pas bien différente de la nôtre aujourd’hui. Il semble en effet entendu que si la politique peut être une chose passionnante, ceux qui la font, et bien souvent en vivent, le sont en général beaucoup moins  et le monde politique de cette époque, suffisant et machiste, semble avoir été aussi contesté que celui d’aujourd’hui. Et tout cela sous les yeux du petit Paul qui a grandi et fait preuve d’une étonnante maturité malgré le fait qu’il est couvé par sa mère, Madeleine, qui fait ce qu’elle peut pour survivre dans cette société dont elle est maintenant en marge et dont elle va se venger très efficacement. J’ai aussi aimé le personnage féminin de Vladi.

 

J’ai eu un grand plaisir à lire ce roman pourtant long mais bien documenté, imaginatif et aussi palpitant qu’une intrigue policière . L’auteur l’a développé avec respect du détail, machiavélisme, rythme, intrigue bien menée, parfaitement dans l’air du temps et des obsessions des Français, notamment au regard de la fiscalité, de la gabegie des fonds publics, des politiciens véreux(les choses n’ont pas vraiment beaucoup changé) et du pouvoir de la presse. J’ai aussi beaucoup apprécié ce portait délétère de l‘espèce humaine, cette fiction que l’auteur remet dans son contexte historique de l’avant deuxième guerre mondiale, l’affirmation du capitalisme, la montée du nazisme et l’incendie à venir qui va déferler sur l’Europe. Non seulement l’intérêt est intact du début à la fin mais j’ai goûté la belle écriture, délicieusement ironique et parfois cynique de notre auteur qui ainsi sert si bien notre belle langue française. J’avais aimé « Au revoir là-haut », et Pierre Lemaître garde ici toute sa verve pour le plus grand plaisir de son lecteur.

 

©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com

 

 
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