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la feuille volante

Fric-Frac au temps de l'OTAN

La Feuille Volante n°1065– Août 2016

FRIC-FRAC au temps de l'OTAN – Robert Béné – Geste éditions.

 

C'était le bon temps, le temps des « anciens francs » que les moins de soixante ans n'ont pas pu connaître, celui de l'OTAN, celui des « Ricains » et surtout de tous les trafics plus ou moins licites que leur présence sur le territoire français suscitait...L'auteur, Robert Béné se souvient de ce temps d'avant , c'est à dire dans les années cinquante-soixante, et le met en scène dans son dernier roman, entre La Rochelle et l'île de Ré qu'il connaît bien et qu'il aime tant.

 

Roger Woerkensky, au nom imprononçable, dit « Gégé Belle Face », non qu'il fût vraiment beau mais devait sans doute ce pseudonyme à sa nationalité irlandaise (Bellfast)[ il changera d'ailleurs de sobriquet au gré de ses aventures et des acolytes qu'il fréquente, devenant alternativement « Gégé la Pétoche » puis « Gégé la Frite », «Gégé le Cocu »] s'est vu confier, grâce à son bilinguisme, la gérance du PX américain de La Pallice, sorte supermarché exclusivement réservé aux GI. Cela lui permet donc de se livrer à de petits trafics de cigarettes et de whiskys, produits introuvables en France dans ces années d'après-guerre. Comme il n'y a de chance que pour la crapule, Gégé rencontre Dean Marghettini, un capitaine américain, ancien commando pendant la guerre de Corée, responsable de l'ancien PC de l'amiral allemand commandant la base sous-marine de La Pallice. C'est un poste de fin de carrière puisque dans quelques mois il ira rejoindre son Amérique natale… en tant que civil !

Voilà qu'on annonce le transit par La Pallice d'une impressionnante cargaison de lingots d'or à destination de la banque d'Albanie et c'est précisément Dean Marghettini qui sera responsable du magot avant son transfert sur un cargo à destination de ce pays. Se souvenant de son passé de petit truand, Dean se dit qu'il ne peut pas laisser passer un si belle occasion de s'enrichir et aussi de célébrer dignement son retour à la vie civile. L'ennui c'est que cette information ne tarde pas à arriver aux oreilles de Gégé qui voit là une aubaine qui mettra fin à ses petits trafics minables. Grâce à une ingénieuse idée, le vol de lingots est réalisé, sans pour autant attirer l'attention des autorités américaines.

Comme dans toutes les histoires un peu louches rien ne se passe vraiment comme prévu et tout un tas de gens qui ne se doutaient de rien se trouvent, un peu par hasard, sur le trajet de ce pactole et entendent bien, eux aussi, profiter de l'occasion, de sorte que le partage initialement prévu est fortement compromis, que les événements brouillent un peu les cartes et attisent les soupçons de ceux que le sort n'a pas favorisés...

Comme dans la réalité, le temps passe, les Américains quittent la France un peu brusquement, victimes d'une décision politique en 1966 et les différents protagonistes de cette affaite s'évanouissent dans la nature, les acteurs rétais se recasent tant bien que mal dans la société et l'oubli qui est le propre de l'espèce humaine, s’installe à son tour. Tout cela serait bel et bon si des gens ne décidaient pas de garder jalousement leurs secrets, de mourir et ainsi de provoquer l’ouverture de successions aussi inattendues qu’improbables et de revenir, même des années après sur le théâtre de leurs méfaits. C'est un thriller avec, évidemment des cadavres dont il faut se débarrasser, les gens qui changent et se rangent, de vieilles rancœurs qui remontent à la surface

 

Dans cette chronique, j'ai déjà dit tout le bien que je pensais des romans de Robert Béné. Non seulement il sait entretenir jusqu'à la fin le suspens avec nombre de rebondissements tout en ayant soin que la morale soit sauve, mais régale aussi son lecteur d'expressions savoureuses du genre « (il) choisit une belle chemise turquoise sur laquelle semblait batifoler de gros poissons multicolores parmi des algues ondulantes et phosphorescentes. Ainsi attifé, Gégé belle face avait tout l'air d'un aquarium » ou encore « L'éclat de rire de Gégé eut le même son qu'une casserole fêlée mais heureusement le douanier n'avait pas l'oreille musicale » .

 

C'est un roman agréable à lire l'été, pourquoi pas, sans fioritures littéraires, bien dans le style du polar que l'auteur affectionne. C'est même, si on veut le voir ainsi, une belle étude sur l'étendue des turpitudes humaines. A titre personnel j'y ai retrouvé avec plaisir l'ambiance rétaise et rochelaise de ma jeunesse, justement au temps des « Ricains », même si, à l'époque, j'étais encore bien jeune.

 

© Hervé GAUTIER – Août 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com

 
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