la feuille volante

TRAITE SUR LA TOLERANCE

N°868– Février 2015

TRAITE SUR LA TOLERANCE – Voltaire - .Gallimard.

Voltaire est sans doute l'écrivain français dont la pensée et la personnalité ont le plus largement rayonné à l'extérieur comme à l’intérieur de son pays même si on ne retient bien souvent de son œuvre que « Candide ». Il a incarné ce qu'on nomme « Le siècle des Lumières » qui a annoncé le grand changement de la Révolution et quand on parle de lui on pense inévitable au Français à qui ses personnages ressemblent. C'est vrai qu'il s'est largement mis à dos pas mal de ses contemporains, les religieux, les jésuites et les jansénistes surtout, les militaires, les juges, les écrivains, les philosophes... C'est que l’homme était volontiers frondeur, doutait systématiquement des choses établies et ne manquait jamais d'exercer son esprit critique en dénonçant l'absurdité du monde. Il était avant tout attaché à la raison, à la liberté et à son corollaire, la tolérance. Dès lors qu'il avait posé cela, l'histoire lui fournissait la matière à polémiquer, à dénoncer toutes les formes d'intolérance et il ne pouvait que combattre la religion et l'injustice. Il ne devait donc pas laisser passer l'occasion donnée par l'affaire Calas, ce protestant toulousain condamné à mort et exécuté parce qu'on le soupçonnait d’avoir tué son fils qui voulait se convertir au catholicisme. En réalité le fils Calas qui s'était déjà converti, s'était pendu parce qu'il ne pouvait devenir avocat à cause de sa confession protestante. Cette interdiction était la conséquence de la politique de Louis XIV aggravée d'ailleurs sous son successeur. L'intolérance avait ainsi non seulement provoqué le suicide du fils mais par le biais de la condamnation prononcée par la justice, l'exécution du père contre toute logique. Ainsi le fanatisme du peuple attisé par l’Église, généra l’intolérance donc l'abus de pouvoir du tribunal au mépris de la vie. C'est Voltaire seul et déjà âgé (il a à l'époque 70 ans, il mourra à 84 ans)qui obtiendra sa réhabilitation après trois ans d'efforts. C'était pour lui combattre le fanatisme des deux religions, catholique comme huguenote, mais aussi l'iniquité de la justice qui le condamna. Ainsi dans la première partie de son ouvrage montre-il combien, dans l'histoire, l'intolérance et le fanatisme religieux se sont révélés néfastes pour la société. Dans la seconde partie, s'adressant aux sectaires de toutes les religions puis aux chrétiens, il plaide en faveur de la tolérance(« Moins de dogmes, moins de disputes; et moins de disputes moins de malheurs : si cela n'est pas vrai, j'ai tort ».) autant qu'il prône une religion naturelle qui, loin des dogmes qui divisent, a pour effet de rassembler les hommes, de les unir. Voltaire mena le dossier comme un avocat de la défense, combattant la vérité officielle mais son action ne s’arrêta cependant pas là et il ouvrit aussi largement aux victimes les portes de sa demeure de Ferney. Ainsi le libertin, le dilettante, le courtisan, le philosophe, le pamphlétaire, laissèrent-ils la place au polémiste qui agissait au nom des droits de l'homme avant la lettre et il milita par une action engagée en faveur de Sirven, du Chevalier de La Barre, de Montbailli, de Lally-Tollendal. Cet ouvrage, ainsi que d'autres qui suivront, réclament également une réforme de la justice, l'indépendance et la formation des juges et non plus l’achat de leur charges, la preuve de la culpabilité et l'abolition de la « question », des peines proportionnées aux crimes et aux délits...

La tolérance qu'il réclame et qui sous-tend évidemment à la liberté d'expression, ne trouve pas à s'appliquer seulement contre les fanatiques religieux qui assassinent tous ceux qui ne pensent pas comme eux mais aussi à l'encontre de tout ce qui s'oppose à la liberté de penser quelque forme qu'elle prenne et de quelque bord qu'elle vienne. Ce livre prend actuellement un relief tout particulier et le pamphlet qu'il mène à son époque contre les catholiques et plus précisément contre les abus de l’inquisition, est aisément transposable aujourd'hui. Voltaire ne fut certes pas le premier ni le seul à combattre l'instinct grégaire et la pensée unique mais il fut un véritable « lanceur d'alerte » qui suscita dans l'opinion une prise de conscience contre l'injustice et l'intolérance. Son influence s'est manifestée dans bien des domaines et il eut, sans le savoir, beaucoup de disciples. C'est aussi l'esprit de l'auteur du « Traité sur la Tolérance » qui renaît aujourd'hui dans cette affirmation qui a fleuri dans les rues et dans les médias français. Malheureusement ces attaques contre la liberté ont tendance à se reproduire dans les démocraties que le fanatisme religieux attaque parce qu'elles sont justement plus tolérantes. Être Charlie c'est aussi un peu être Voltaire.

©Hervé GAUTIER – Février 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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