la feuille volante

Le poids de la neige

La Feuille Volante n° 1308

 

Le poids de la neigeChristian Guay-Poliquin – Les Éditions de l'Observatoire.

 

Nous sommes dans une bourgade isolée où tout est rationné, en pleine forêt, par un froid sibérien. Au dehors, c'est le chaos et l'insécurité sur les routes. De retour dans ce lieu qu'il a quitté depuis bien des années et après la mort de son père, un jeune homme a un accident de voiture grave qui l'immobilise. On le soigne sommairement et on confie sa vie à Matthias, un vieux marginal, de passage qui vit un peu en dehors du bourg, dans une maison abandonnée. Cette position excentrée et légèrement en hauteur permet au jeune homme de jeter sur ce décor un regard privilégié. Dès lors, ces deux hommes qu'une génération sépare vont apprendre, dans ce huit-clos, à se connaître, à s'apprivoiser peut-être.

Au départ, j'ai eu un peu de mal à entrer dans cette histoire, mais au fil des pages l'intérêt pour ce récit est venu. Le décor est dépaysant et même un peu surréaliste. A certains petits détails, je situe ces lieux dans le nord du Canada (Après tout l'auteur est né au Québec) où l'hiver sévit plus fort qu'ailleurs et où une panne électrique générale contraint les habitants qui y sont restés, à organiser leur survie d'autant que les alentours ne sont pas très sûrs et que tenter de s'en échapper est risqué. Pourtant certains sont partis, laissant leur maison à l'abandon mais aussi à d'éventuels pillages. Ce contexte ainsi tissé donne à imaginer un microcosme où tout peut arriver. Ainsi chacun s'organise comme il peut, ce qui exacerbe l'égoïsme, mais la solidarité qui force les gens à s'entre-aider joue aussi parfaitement et le jeune homme, reconnu par certains habitants, est soigné malgré ses graves blessures. Cette histoire de deux hommes en attente de quelque chose au milieu d'une nature hostile mais grandiose et angoissante a quelque chose d'attachant. Matthias veut rejoindre sa femme en ville et le jeune homme qui n'a plus aucune attache ici souhaite revenir chez lui. Pourtant, rapidement, cette solidarité apparente, cette organisation de survie, vont disparaître, l'égoïsme traditionnel de l'espèce humaine prenant le dessus. Si le vieil homme mesure, au fil des événements, combien sa qualité d'étranger au village va l'exclure de la collectivité, le jeune homme, au contraire, va aller au devant de ses souvenirs d'enfance, ceux qui donnent la nausée parce qu'ainsi on mesure le temps passé et les regrets qui vont avec parce qu'à cette période on n'a pas su prendre les bonnes décisions. C'est particulièrement vrai pour lui quand il rencontre Maria, la vétérinaire qui fait aussi office de médecin et qui va le soigner. Adolescent il a été follement amoureux d'elle, elle illumine maintenant ses pensées et ses rêves, mais il la perdra définitivement.

Tout ce texte baigne dans une ambiance mystérieuse, celle de la nature blanchie par la neige, raidie par le froid, décrite avec talent et parfois même avec poésie et au milieu, les habitants qui tentent tant bien que mal de survivre malgré le rationnement de la nourriture et la mort qui rôde. La situation est tellement désespérée qu'il n'y a plus que la prière pour donner l'illusion qu'elle peut tout arranger. Le printemps viendra comme une renaissance, parce que le cycle des saisons s'impose naturellement mais aussi montrera à chacun des deux hommes la route qu'il doit suivre. Ce que je retiens aussi de ce roman, c'est le vertige, non seulement celui qui résulte de cette solitude, cette survie dans cet univers glacé, avec la mort qui rôde mais aussi celui que ressent le jeune homme qui revient dans ce village au devant de ses souvenirs d'enfance.

 

Avec de courts chapitres, l'auteur égrène les différents moments de cette aventure où l'homme est confronté à une nature hostile et face à laquelle il n'est que bien peu de chose. Il égrène les jours de solitude et inverse son décompte au moment où le temps semble se radoucir et les choses s'améliorer ;

C'est un beau roman, bien écrit qui aurait pu être ennuyeux à cause du sujet mais ne l'est pas et qui se lit bien.

 

 

©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com

 
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