LA FOLIE DU ROI MARC
- Par hervegautier
- Le 11/05/2015
- Dans Clara Dupond-Monod
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N°904– Mai 2015
LA FOLIE DU ROI MARC .Clara Dupont-Monod – Grasset.
Clara Dupont-Monod s'approprie un thème vieux comme le monde, celui de l'amour impossible puisqu'il a déjà ses mythes, celui de Roméo et Juliette, de Cyrano et de Roxane, d’Héloïse et d’Abélard… Elle choisit comme sujet de son roman la relation amoureuse de Tristan et Iseut conservée par la tradition orale bretonne et qui été largement illustrée au Moyen-Age, notamment par Chrétien de Troye. Tristan a été recueilli et élevé comme son fils par son oncle Marc, roi de Cornouailles. Pour avoir un héritier direct, le souverain doit se marier et il choisit Iseut, une princesse irlandaise que va chercher Tristan. Les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre après avoir bu par erreur un philtre mais malgré celai, Iseut épouse Marc tout en étant l'amante de Tristan. La légende celte conclut cet amour impossible par la séparation et la mort des deux amants. Ici l'auteur revisite cette histoire mais du point de vue de Marc seulement. Il est présenté comme un mari trompé deux fois, non seulement par une femme infidèle mais aussi par un neveu traître qui pourtant lui doit tout. Il s'ensuit un long monologue pendant lequel il confesse l'amour qu'il porte à son épouse, les attentions qu'il a pour elle. Aveuglé par sa beauté, il ne voit rien du manège des deux amants mais alerté par ses barons finit par se rendre à l'évidence et bannit Tristan et Yseut lui revient.
Avec une réelle dimension émotionnelle, l'auteur nous fait partager la naïveté de Marc, son ignorance de ce qui se trame derrière son dos, la confiance aveugle qu'il lui fait, puis son désarroi quand il prend conscience de son erreur. Il est pourtant fou amoureux d'Iseut qui le délaisse au profit de son amant, elle qui n'a aucune considération pour lui, pour son autorité royale. On la sent silencieuse, indifférente à l’humiliation qu'elle lui impose, ajoutant au plaisir que lui procure son amant celui de rabaisser son époux et ce d'autant qu'elle sait qu'il ne fera rien contre elle. Pour donner le change ou faire durer son calvaire, elle a auprès de lui et en public un rôle passif, équivoque même, entre les ragots et la jalousie de la cour, tandis que Tristan reste tapi dans l'ombre, attendant son heure. Se sent-elle autorisée à agir ainsi contre son époux qu'elle n'aime pas, est-ce l'effet du philtre ou de son égoïsme ? Face à cette liaison adultère, Marc n'oppose au début que sa tristesse, sa volonté de supporter l’opprobre par amour pour cette femme en se demandant ce qu'il a bien pu faire pour mériter cela. Puis il la méprise pour finalement admettre que cette situation délétère le détruit. Il tergiverse, réagit comme un mari trompé mais aussi comme un roi qui décrète une vengeance à la mesure de la faute. Finalement la légende reprend son cours...
Loin de se moquer d'une situation qui d'ordinaire suscite la raillerie, surtout quand on n'est pas concerné, le lecteur communie à la peine de cet homme trahi par sa femme. L'auteure choisit de lui donner la parole, de le tirer de l'oubli alors que le mythe choisit de conter ce qui n'est pas autre chose qu'un adultère, débarrassé d'ailleurs de toute culpabilité. Elle le présente comme un homme qui se croyait sans doute protégé par son amour pour sa femme ou par son autorité royale et qui se voit soudain ravalé à la position d'un simple humain. Elle analyse les différentes phases par lesquels passe un homme victime de la trahison, surtout quand celle-ci vient de quelqu’un qu'on aime, tant il est vrai qu'on n'est vraiment trahi que par les siens. Puis son malheur le fait peu à peu entrer dans la folie, il doute de ce qu'il a vu, finit par se persuader que c'est une illusion, que son épouse lui est fidèle, que tout cela n'est qu'un cauchemar. Cette malheureuse histoire fait de lui un lâche, un pauvre homme, un faible qui ne sait même pas tenir sa femme qui admet tout et ce d'autant plus qu'il lui semble que Dieu est complice des amants.
Ce thème hérité du Moyen-Age peut sembler suranné aujourd'hui où les idées autour du mariage et des relations amoureuses sont différentes. Certes le contexte est autre mais ce que je retiens c'est le malheur de Marc, ses états d'âme à propos de l'adultère de sa femme. Cela c'est universel et très humain et même si les choses ont pu changer, les idées évoluer et se libéraliser, la peine, le chagrin restent les mêmes face à une telle trahison.
C’est un thème vieux comme le monde, souvent repris dans les légendes médiévales. Les relations amoureuses entre les hommes et les femmes ont toujours nourri les création artistiques et en particulier celles des écrivains. Ici, le texte est servi par la belle plume de Clara Dupond-Monod. Son style est pathétique, simple, dépouillé, poétique, parfois mais un peu redondant quand même à certains moments. Je continue cependant d'explorer avec plaisir l’œuvre de cette auteure.
©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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