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la feuille volante

Douze nouvelles

La Feuille Volante n° 1341Avril 2019

 

Douze nouvelles (Dodici raconti)Dino Buzzati – Pocket.

Édition bilingue français - italien traduction et annotations par Christiane et Mario Cochi 

 

De son métier de journaliste qu'il exerça avec passion de 1928 au « Corriere della sera » à Milan, à sa mort, Dino Buzzati (1906- 1972) a gardé le goût de l'écriture et de l'observation. Il excelle à retracer pour ses lecteurs les petits faits qui font la vie de chacun de nous en y donnant toute l'importance nécessaire pour transformer, en quelques paragraphes, la banalité d'une vie en une véritable histoire exceptionnelle (Ça n'est jamais fini).

 

Cela ne va pas sans une incursion dans une certaine étrangeté, -(l'ubiquiste - Trois histoires de Vénétie) (Délicatesse : Le meurtrier de sa femme, condamné à mort et qui va être exécuté, se voit invité à réfléchir sur la mort et sur l'au-delà, une manière plus douce en tout cas d'exécuter la sentence), voire l'insolite(Cendrillon), la cruauté bien humaine. L'humour, un peu noir cependant n'est pas non plus oublié (l'honneur du nom) ni la réflexion sur l'instinct grégaire, l'absence d'originalité des hommes et leur volonté de se noyer dans la masse (Chez le médecin). Buzzati est aussi, j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans cette chronique, un fin observateur de l'espèce humaine, de ses aspirations et de ses obsessions. A travers une enfant, il aborde l'injustice (l'oeuf), avec « La vieille voiture » il dévoile un étrange dialogue entre un vieux véhicule et son propriétaire qui veut s'en débarrasser, mais en lui cachant ses intentions. On a droit à un échange autour de la nostalgie, du vieillissement, de l'inutilité... J'y ai vu aussi une incursion dans l'univers des remords (comme dans « La magicienne ») et de la solitude. Il doit être bien seul cet homme pour ainsi dialoguer avec sa machine avec laquelle il a eu une longue complicité. Il m’apparaît que ce texte, écrit sans doute dans la première moitié du XX° siècle, est très actuel ; on a jamais été autant connecté, on n'a jamais autant dialogué sur les réseaux sociaux notamment… et on est toujours aussi seul ! Avec « le petit papillon » c'est la lutte entre les hommes qui veulent prendre la place des autres pour leur ego, leur carrière, leur réussite sociale. Une caractéristique bien actuelle et qui ne risque pas de changer !

 

A lire la nouvelle intitulée « l'héléphantiasis » on peut aisément penser qu'il s'agit là d'une vision déjantée et bien improbable du monde. Que nenni, et j'y vois personnellement, certes une fiction, mais pas si éloignée que cela de notre société qui se lance à corps perdu dans le progrès en privilégiant son aspect pratique, sans se soucier des conséquences catastrophiques qu'il peut entraîner sur notre vie. Le silence qui envahit le paradis perdu de l'homme dans cette nouvelle, ressemble à s'y méprendre à celui qui de plus en plus existe dans nos campagnes où l'usage intensif des insecticides agricoles contribue à la disparition des oiseaux et donc au silence. La bizarre volonté de l'homme de détruire son environnement pourtant indispensable à sa vie est une constante plutôt inquiétante.

 

Le rôle de l'écrivain, même dans le cas du roman et de la nouvelle qui sont des fictions, n'est pas uniquement de distraire son lecteur. Il est de lui faire prendre conscience, à travers des postures parfois puisées dans l'absurde, des diverses facettes de la condition humaine dont nous portons tous la marque et j'ai toujours plaisir à lire Buzzati qui tient fort bien ce rôle.

 

Ce sont des textes courts qui vont à l'essentiel, comme doivent être écrites les nouvelles.

Cette présentation bilingue annotée de précisions grammaticales est pratique pour qui apprend l’italien.

 

 

©H.L.

 

 

 
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