UN ROMAN DE QUARTIER - Francisco González LEDESMA
- Par hervegautier
- Le 07/07/2010
- Dans Francisco González LEDESMA
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N°436– Juillet 2010
UN ROMAN DE QUARTIER – Francisco González LEDESMA – Éditions L'Atalante.
Traduit de l'espagnol par Christophe Josse.
Je voudrais bien le rencontrer ce Mendez, un inspecteur de police à deux doigts de la retraite, choisi par son commissaire pour élucider une affaire un peu ténébreuse au seul motif qu'il dispose de temps libre.
L'affaire, justement, est une vengeance. Dans les années 1970, lors d'un hold-up, un garçon de trois ans est tué par erreur et, de nos jours, à Barcelone, un des deux braqueurs est assassiné dans un vieil immeuble promis à la démolition. Craignant le subir le même sort que son complice, le truand survivant va tenter de supprimer celui qu'il prend pour le vengeur, c'est à dire le père de l'enfant : David Miralles. Ce qui m'a intéressé aussi, c'est le combat intime de cet homme désespéré qui exorcise comme il peut la mort prématurée de son fils au point de lui réinventer une vie au quotidien, une forme différente de vengeance... Il se trouve que ce Miralles, garde du corps de son état et donc titulaire d'un port d'arme, n'est pas, selon le rapport de balistique, le responsable de cette exécution. Mendez le sait, mais pas le tueur et la course-poursuite qui va être menée passe par la fréquentation d'un avocat bizarre et la consultation de petites annonces coquines, d'autres rencontres insolites...
Il y a bien d'autres histoires dans ce récit, celle des relations qu'entretient Miralles avec une ancienne prostituée devenue son assistante, Eva, celle de cette vieille maquerelle barcelonaise, Ruth, devenue marquise et des rapports difficiles qu'elle entretient avec une de ses anciennes pensionnaires, Mabel, qui maintenant est chargée de s'occuper d'elle. Dans cette cohabitation difficile où la mort rode à chaque instant, le règlement de compte le dispute à la méchanceté et même au sadisme.
Ce que je retiens surtout c'est le cadre, cette ville catalane dont le seul nom fait rêver parce qu'il est associé à la Guerre Civile espagnole, à la contestation permanente, à une certaine idée de la liberté, au combat pour la vie, parce que là plus qu'ailleurs un art créatif s'y est développé et que dans ces quartiers chauds existe un certain art de vivre qu'on ne rencontre sans doute qu'ici! C'est le véritable personnage de ce roman. C'est l'occasion pour l'auteur d'exprimer la nostalgie d'un temps où les bourgeois venaient au Barrio Chino pour boire un verre ou s'encanailler avec des filles... La spéculation immobilière a eu peu à peu raison des bars, des bordels et des ruelles qui faisaient le charme de cette ville. Ces quartiers que connait bien notre inspecteur sont en train de mourir comme le suscite la 4° de couverture...
C'est aussi une peinture de la société barcelonaise faite de violence mais aussi des portraits de femmes dont l'auteur est l'admirateur inconditionnel qui luttent avec dignité dans un monde cruel.
Ce qui me plait bien, c'est surtout ce personnage de Ricardo Mendez, fonctionnaire de police un peu marginal, légèrement alcoolique et désabusé par la vie, qui fait son métier d'une manière efficace mais parfois discutable, un homme un peu frustre qui n'a pas vraiment le sens des convenances. Le style administratif et règlementaire de ses rapports, sa vie dans des pensions minables, ses déjeuners dans des bouibouis à la limite de l'insalubrité, son mépris pour l'avancement et pour sa hiérarchie retiennent mon attention et mon intérêt. Ses investigations ont cette particularité d'être pour le moins bizarres et originales, mais cela marche. On y rencontre d'anciennes putes, des proxénètes sur le retour, de vielles maquerelles rangées qui égrènent leurs souvenirs, ou d'autres êtres cabossés par la vie, bref toute une société interlope qui va si bien à ce quartier... Cet être familier des livres autant que de l'alcool bon marché (« Mendez vida son orujo du terroir, qui avait certainement voyagé à dos d'homme depuis la Galice en suivant la route des églises romanes ») , méprisé des femmes autant que de ses supérieurs[« Je ne suis qu'un chat de gouttière, admit Mendez, il n'est pas inutile de me le rappeler de temps en temps. »], aime sa ville et ce quartier où il a grandi et qu'il ne quitte pratiquement jamais, même s'il est promis à la démolition, ces rues qui sont sa véritable école... Sa qualité de policier se caractérise davantage par l'indépendance et la justice que par la soumission à la procédure, à la hiérarchie ou au plan de carrière, mais peut lui chaut. Il est « un vieux serpent » et avoue lui-même que sa « vie est toujours un désastre absolu » .
J'ai apprécié aussi le suspense, ce texte humoristique, le style alerte, un peu gouailleur et aussi ce sens de la formule [« Dans ce monde mécanisé, il ne reste que deux gâteries faites exclusivement à la main : le havane et la branlette »]qui sied si bien au roman noir autant qu'à son héros, le climat de ce récit où on rencontre que modérément ce qui peuple ordinairement, et à toutes les pages, les œuvres de ce registre : le sexe, la violence et le sang.
Cette première lecture favorisée par le hasard m'engage à en connaître davantage.
Et puis c'est vrai que je voudrais bien le rencontrer ce Mendez, et tant pis s'il est un personnage fictif comme tous les héros de romans, mais quand même, il me plaît bien!!
© Hervé GAUTIER – Juillet 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
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